Les Rivières aux Poignets

Pour te dire

Pour te dire que je t'aime
J'ai inventé des mots
J'en ai fait des poèmes
Des rimes à nos peaux
L'encre bleue aux poignets
Au reflet de tes yeux
Si je n'veux pas saigner
C'est que j'ai peur du feu

Pour te dire les matins
J'ai dû comprendre enfin
Qu'il n y a pas de lois
Que l'on invente pas
Je me moque des heures
Des soleils ou des lunes
J'invoque la lueur
Au levant de ma plume

Pour te dire mes envies
J'ai dû montrer mes peurs
T'inviter à mes nuits
Quand se ferment les fleurs
Quand se ferme l'esprit
Quand le cerveau s'endort
Pour faire battre la vie
Quand tout le reste est mort

Pour te dire la douleur
J'ai dû panser les plaies
Celles de la douceur
Qu'on n'avait pas d'mandée
L'invisible blessure
Quand on ne sait pas voir
Les milliers de ratures
Pour quelques mots d'espoir

Pour te dire le silence
J'ai dû crier parfois
Des sursauts d'inconscience
C'était plus fort que moi
J'ai toujours lutté contre
Le vacarme et le bruit
Le tic-tac à nos montres
Qui découpe nos vies

Pour te dire qui je suis
J'aurai mis des années
À convaincre l'oubli
Qu'il savait se cacher
Qu'il pouvait n'exister
Qu'en mes rêves la nuit
Quand le ciel était laid
Qu'il pissait de la pluie

Pour te dire la folie
J'ai dû faire semblant
Dire merde à l'ennui
Comme font tous ces gens
Apprivoiser le temps
Pour mieux se rassurer
Mais ça n'a pas duré
Comme Alain, j'ai 10 ans

Pour te dire la beauté
J'ai dû creuser ma tombe
Juste pour y trouver
Ton soleil et mon ombre
Car c'est face au néant
Que l'on se change en tout
Si le vide est si grand
C'est qu'il est plein de nous

Pour te dire la colère
Teintant parfois mes vers
C'est que je suis blasé
Du monde et d'c'qu'on en fait
Moi je peins des poèmes
Je ne sais rien faire d'autre
Tous ces mots que je sème
Pour que poussent les vôtres

Pour vous dire l'avenir
J'ai tant d'choses à écrire
Si je ne crois en rien
Ne lâchez pas mes mains
J'en ai assez pour deux
J'en ai assez pour toi
Je me moque de ceux
Qui ne sont pas vous trois