1992

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Je suis né à la fin du dernier millénaire
À l'époque des joggings beaucoup trop colorés
Des boys band en play-back qui remuent le derrière
À l'époque des brushings et des coupes mulet

Je suis né à l'époque d'une ancienne monnaie
Pièce en main, je tremblote, seul face au boulanger
« Que veux tu mon garçon ? » « J'vou... j'voudrais... un bout d'pain »
( Si j'voulais du jambon, j's'rais pas là mon crétin )

J'ai grandi sans portable, les mains dans les poches
Et dans l'fond d'mon cartable, quelques billes qui ricochent
J'n'aimais pas trop les cartes avec des Pokémon
Puis j'ai vu dans les parcs les chasseurs aux Smartphones...

J'étais d'ja amoureux, dès ma plus jeune époque
Princesse en robe bleue dans un magnétoscope
Sur un tapis volant, j'me rêvais Aladin
Un voleur embrassant Jasmine sur la main

Et le p'tit qu'est perdu, qu'a raté son avion
Je l'ai vu et revu, il avait mon prénom
Elle était si gentille cette dame aux pigeons
Mais j'étais si petit qu'elle me foutait les j'tons

Cass' bonbons, les grumeaux, Labinocle et Couette-Couette
C'est ma bande de potos qui rasaient la moquette
Et 7 à la maison, et Hartley coeur à vif
Et les boules de dragon, Dragon Ball en british

Trilogie du sam'di, Buffy bute un vampire
Quand t'es encore tout p'tit, pour dormir y a pas pire
Ça m'était interdit alors j'en profitais
Pour y passer mes nuits quand mes parents sortaient

Harry Potter bien sûr, j'ai tout lu jusqu'au 6
Adossé contre un mur, sous les ordres du phoenix
Quand le 7 est sorti, j'étais adolescent
J'avais d'jà trop vieilli, j'étais trop fainéant

Je me suis énervé sur Super Nintendo
Quand mes frères plus âgés me f'saient goûter le vide
De la route arc-en-ciel de Super Mario
Les manettes n'ont pas d'ailes mais sont très solides

J'ai connu les soirées, salle des fêtes de campagne
Où l'on danse serrés sauf avec sa compagne
Z'avaient plus d'appétit ouais qu'un barracuda
Mais j'étais trop petit, je ne comprenais pas

J'ai vu l'début du Rap et puis la fin du Rock
NTM dans le Parc, Supertramp à l'Huma
J'ai vu mon pote en plâtre au concert d'Iggy Pop
Et j'ai vu Pielpoljak mais je n'm'en souviens pas

J'ai connu Damien Saez encore jeune et moins con
Sur ma tombe j'veux qu'on baise et qu'on boive un picon
J'ai connu le Reggae en écoutant Tryo
Puis j'ai connu l'Reggae, j'ai arrêté Tryo

Et c'était les débuts de nos ordinateurs
Radiohead sortait son « OK Computer »
Mais que sont devenus tous nos disques gravés
Baladeurs à CD ouais pour rester branché

J'ai connu MSN et le flou des webcams
J'écrivais des poèmes que je n'envoyais pas
Pour oser approcher une fille presque femme
Je rognais mon clavier pour envoyer « ça va ? »

J'ai grandi sous Chirac, le bruit et puis l'odeur
Mais aussi dans le rêve d'une France black-blanc-beur
Le portrait de Zizou sur les Champs Elysées
Dans ce pays si fou ; « Le Pen à l'Elysée ! »

J'étais p'tit quand les tours à New York sont tombées
Tous ces corps qui volaient... je ne comprenais pas
Moi j'croyais que l'amour allait tous les sauver
Puisque sur leurs billets j'ai lu « En Dieu On Croit »

Je suis né en même temps que Maastricht le traité
Qui devait faire de nous tous des européens
Je n'étais qu'un enfant on m'a dit t'es français
Sauf que moi je suis tout ou sinon je suis rien

Dans les films de SF qui ont l'âge du mien
Les voitures volent toutes en l'an 2020
C'était ça la promesse du progrès de l'humain
Faire le monde si fou qu'on en a plus besoin

Moi je viens d'une époque où croissance fait tout
Ferme l'œil et puis l'autre, fais confiance aux voyous
La Terre était la nôtre, on s'pensait invincibles
Moi je viens d'une époque aux rêves impossibles

Les Rivières aux PoignetsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant