Je suis l'enfant à l'œil troublé
Par une larme à son reflet
Je suis l'enfant qui ne bouge pas
Je suis l'enfant qui ne dit pas
Je suis l'enfant au regard noir
Je suis l'enfant aux yeux blancs
Je suis l'enfant qui chaque soir
Compte les jours avant d'être grand...
Je suis l'enfant que l'on oublie
Quand la nuit remplace le jour
Mais si je n'ai que cette vie
Faites qu'elle dure pour toujours
Je ne crois pas au temps qui passe
Depuis que j'ai vu clignoter
Toutes ces secondes sans traces
Que j'ai su mettre de côté...Je suis l'enfant aux joues rosées
Aussi humides que l'aurore
Quand le matin donne à l'été
Des gouttes d'eau quand l'herbe dort
Et puis je me demande encore
Si le carré de terre séchée
Dessous la tente où je m'endors
A laissé la vie repousser...
Puisque je suis dans les nuages
J'ai du soleil dans les cheveux
Je fais partie des enfants sages
Qui gardent les mots dans les yeux
Parfois les grands ça les inquiète
Ils me demandent si je vais bien
Mais vous devriez voir leurs têtes
Je vais mieux qu'eux ça c'est certain...Je suis toujours le p'tit garçon
Qui parle pas mais pense fort
J'essaie d'apprendre tous les noms
Les jolis mots, les métaphores
Je lis le livre d'un sorcier
Qu'à une cicatrice au front
La mienne est tout en haut du nez
Un peu plus haut et c'était bon...
Je vais jusqu'à l'école à pied
Les poches pleines de cailloux
Je repense au petit poucet
On sait jamais... juste au cas où...
Le monde entier me faisait peur
Je regardais le vide en face
Je sentais s'emballer mon coeur
Je perdais la notion d'espaceJ'ai toujours apprécié la nuit
Quand le temps dure plus longtemps
Quand on peut inventer nos vies
Au fond de nos rêves d'enfants
Et je suis toujours le garçon
Qui aime l'odeur de la pluie
Le flou qui donne à l'horizon
Comme une porte de sortie
Quand il fait bien trop chaud ici
Que nos cœurs fondent sur le sol
Je me rappelle que petit
Je me moquais des tournesols
Ces corps qui tournent sur le sable
Qu'ont la couleur du mauvais pain
Celui qu'on met dessous la table
Pour la caler quand y a besoinEt je suis toujours le garçon
Qui n'aime pas trop les vélos
Y a que deux roues c'est un peu con
Mais j'ai pas droit de dire ce mot...
J'essaie un peu de me lancer
Je mets les mains sur le guidon
Juste le temps de me vautrer
Mais quelle stupide invention !
Je suis resté le même enfant
Celui qui n'aime pas le bruit
Le bruit des moteurs et des gens
Qui font le vacarme à la vie
Laissez moi donc aller à pied
Prendre le temps et les chemins
Pour attraper quelques beautés
Moi j'ai besoin de mes deux mains...Je suis l'enfant qui garde tout
Dans une boîte ou un tiroir
Et si je passe pour un fou
Je vous invite à venir voir
Tous ces trésors immaculés
Toutes ces traces de mémoire
Qui me permettent de rêver
De croire à toutes mes histoires...
Je suis resté le p'tit garçon
Dans sa cabane au fond des nuits
Qui murmurait tous les prénoms
Qui suppliait je ne sais qui...
J'avais peur de fermer les yeux
Alors j'restais un certain temps
À chuchoter le nom d'un Dieu
En qui j'n'ai jamais cru vraiment...Je suis l'enfant qui écoutait
Les p'tites discussions des grands
Assis en haut de l'escalier
Je ne comprends que c'que j'entends
Et je suis toujours le garçon
Qui regardait les vieux danser
J'écrivais déjà des chansons
Au dos des nappes en papier
-L'histoire d'un colis égaré
D'un facteur qui s'était trompé
D'un 6 qui s'était retourné
Pour n'être qu'un 9 oublié-
J'écrivais ça sans réfléchir
Jusqu'à c'que mes rêves m'attrapent
Maint'nant qu'j'y pense avant dormir
J'aurais dû retourner la nappe...Je suis l'enfant qui ne pleure pas
Ailleurs qu'au fond de ses entrailles
Au fond du ventre on ne voit pas
Couler les larmes et les failles
Et c'est pour ça qu'adolescent
Je faisais du sport tous les soirs
Des nuits entières sur un banc
Sous les abdos y a rien à voir...
Je suis toujours le p'tit garçon
Qui a demandé à sa mère
À quoi peut servir un violon
Sur un mur à prendre poussières ?
Je suis toujours le p'tit garçon
Qui a demandé à son père
Qu'est ce qu'il aurait aimé faire
Il m'a dit « construire un avion »...Je suis l'enfant aux vêtements
Un peu trop grands et trop usés
C'n'est pas à cause de mes parents
J'voulais r'ssembler à mes aînés...
Et si un jour moi je suis né
C'est bien que j'étais mort avant
Si j'ai la force d'exister
C'est que j'ai vaincu le néant
Si j'ai la chance d'être là
Et de gratter quelques papiers
C'est pour laisser un peu de moi
Un peu des gens que j'ai aimé...
Je resterai toujours l'enfant
Qui a des images en tête
J'en ai fait des textes de grand
Criant mon enfance muette...Je suis l'enfant qui adorait
Regarder la lune monter
Les lampadaires s'allumer
Et les chiens se mettre à chanter...
Je n'oublierai jamais mes peurs
Elles sont au fond de mon regard
N'y voyez pas de la douleur
Je l'ai changée contre l'espoir...
Je suis l'enfant que j'ai été
Que je serai et même vieux
Je garderai l'éternité
Au fond des poches de mes yeux...
Et je suis toujours le garçon
Qui fait des formes avec ses doigts
Pour attraper tous les avions
On peut voler aussi d'en bas...
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Les Rivières aux Poignets
PoesieRecueil de poèmes et chansons Recueil de mots et d'émotions Des textes sombres et lumineux Puisqu'on est tous un peu des deux