Souffle

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Quand je suis né je n'avais d'âge
Si c'n'est celui de l'univers
Comme un navire en plein naufrage
On m'a fait suivre la lumière
Avant le temps n'existait pas
J'avais quelques milliards d'années
J'étais l'envers de vos endroits
Et j'ai dû apprendre à compter
Sur les aiguilles de vos cadrans
Et j'ai dû apprendre à recoudre
Les plaies que laissent le néant
Les traces de sang et de poudre
Au bout des canons de mes doigts
Je faisais feu sans le savoir
À viser mes rêves de toi
Qui m'ont donné la peur du noir
Si je laissais ma porte ouverte
C'était pour garder une issue
Si je craignais déjà la perte
Mes mots étaient bien incongrus
Les deux mains jointes à la Terre
Au fond des nuits sans lendemain
Et j'écrivais sous mes paupières
Quelques débuts d'alexandrins
J'ouvrais les yeux de temps en temps
Pour m'assurer d'y voir encore
Ça m'aura pris presque 10 ans
Pour oublier un peu la mort
Et j'ai soufflé mes 11 années
C'était l'année du grand été
Et j'ai soufflé mes 11 années
Le souffle déjà trop coupé

Pour m'échapper à ce brouillard
À ces nuages inconscients
Je me suis inventé un phare
Plus grand que tous les océans
Et sur les plages de l'enfance
Où j'ai laissé quelques châteaux
Mes pieds ont tracé l'espérance
Bientôt recouverte des eaux
Aux marées hautes à mes joues
L'herbe poussait sous mon cerveau
Et mes pensées sont restées floues
Mon stylo n'avait plus les mots
Dans l'encre rouge de mes yeux
Qui me cachaient la vérité
Le ciel n'était jamais si bleu
Que lorsque la ville dormait
Quand le soleil n'éclairait plus
Quand les étoiles dessinaient
Les éternités suspendues
On s'est juré de se garder
L'un contre l'autre à chaque nuit
À se rêver des avenirs
Loin du tumulte de la vie
On s'est promis sans se le dire
Qu'on s'aimerait tant qu'il est temps
Tant qu'on oublie tous nos problèmes
Ça m'aura pris presque 20 ans
À finir mon premier poème
J'ai soufflé mes 21 ans
Des taches noires sur les dents
J'ai soufflé mes 21 ans
Je ne m'en souviens plus vraiment

J'ai pris le temps entre mes doigts
J'en ai fait des morceaux de toi
Pour qu'on s'enroule dans la joie
Et dans la chaleur de nos bras
On a laissé le vent souffler
Le goût des cendres à nos bouches
Pour mieux goûter à la beauté
Celle qu'on sent et que l'on touche
Et je n'ai plus brûler les feuilles
Je les ai couverte de nous
On m'a dit d'en faire un recueil
J'en fais des frissons à ton cou
Et mes souvenirs ne sont plus
Que quelques rimes en poèmes
Des mots retraçant nos vécus
Qui dressent l'amour en emblème
Le soleil éclaire à nouveau
Nos nuits autant que nos matins
Et quand il colorie ta peau
Il y a l'ombre de ma main
J'échangerais l'éternité
Pour t'aimer le temps d'une vie
Je crois que l'univers est né
Dans le reflet de tes pupilles
Alors je me moque du temps
Et de nos chiffres dérisoires
Ça m'aura pris presque 30 ans
À ne plus avoir peur du noir
J'ai soufflé mes 31 ans
Je sais qu'on a déjà mille ans
J'ai soufflé mes 31 ans
Je suis papa de deux enfants

Les Rivières aux PoignetsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant