Les Rivières aux Poignets

Là où je suis né

C'est là où je suis né
Sur des routes étroites
Sur des chemins à pieds
Dans des rues jamais droites
Dans des villes sans nom
Aux panneaux arrachés
Dans ces quelques maisons
Aux fenêtres cassées

C'est là où je suis né
Aux lisières des forêts
Où se cachent encore
Mes hiers et mes peurs
Mes colères et mes pleurs
Ont l'odeur des ailleurs
Et du sang des fougères
Pour de l'or en rivières

C'est là où je suis né
Dans un nid sans les plumes
Aux cabanes perchées
Aux lumières de mes lunes
À mon arc fléché
Direction d'une étoile
Pour mieux attraper
Tous mes vœux d'idéal

C'est là où je suis né
Au ventre d'un volcan
La braise sous un pied
Et sous l'autre le vent
Des torrents dans le dos
Pour des brûlures d'ange
Quelques gouttes de mots
Dans le bout des phalanges

C'est là où je suis né
Dans le creux d'une vague
Aux écumes nacrées
S'échouant sur le sable
Retirant sous mes pieds
Quelques graines du temps
Où je crois m'enfoncer
Inexorablement

C'est là où je suis né
Aux dernières poussières
Pas encore balayées
D'un ancien millénaire
Plus vieux je ne serai
Que le siècle d'avant
De ces vieux hors délai
Qu'ont connu 1900

C'est là où je suis né
D'une église ou d'un temple
Sur un toit goudronné
Sur un mur qu'on lamente
Je suis né et je crois
Mais je n'sais pas en quoi
Je sais que je n'crois pas
À ces Hommes sous les croix

C'est là où je suis né
Dans ce monde si grand
Qu'il n y a d'étrangers
Que ses propres enfants
J'croyais quand j'étais p'tit
Ce que m'disaient les grands
Je suis grand maintenant
Je n'crois plus en c'que j'dis

C'est là où je suis né
À l'horizon perdu
À l'horizon flouté
Aux chaleurs d'un ciel nu
Où des mouettes muettes
Qui d'avoir trop chanté
Ont noyé de tempêtes
Mes souvenirs d'été

C'est là où je suis né
Entre amour et faillite
Des matins éclairés
À ces nuits qui m'agrippent
C'est là où je suis né
Entre l'ombre et puis nous
C'est là où je suis né
Je resterai debout

Et pour qu'un ciel s'allume chaque jour à tes yeux
Je ferai de ma plume la gardienne de ces lieux