Chapitre 08 : Un petit souffle

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GIORGIA

BELGIQUE, NAMUR

OCTOBRE

L'idée de devoir déballer tout ce bazar à ma mère me vide d'avance de toute mon énergie. Avouer que j'ai merdé encore une fois me fait trop mal. J'imagine déjà son air vénère, ce regard lourd de sens qui dira tout, qui exprimera tant sans qu'elle ait besoin de prononcer un seul mot. Elle brandira son ultime atout, menaçant de tout balancer à mon père, ce qui m'angoisse plus encore. Cette scène se répète souvent. C'est comme revivre un bad trip (1) encore et encore, un cycle infernal de déception. « Le jour de la marmotte », cette expression anglaise qui veut dire qu'une situation qui s'est déjà produite avant, se reproduit, d'une manière identique, jour après jour.

Ce n'est pas la peur de mon père qui me hante, mais la terreur de le décevoir qui me dévaste. Cette douleur intérieure me démolit, me fait sentir encore plus naze. Pathétique et pas à la hauteur pour mes parents.

Son absence m'a creusé un vide abyssal que j'ai du mal à remplir. Chaque jour sans lui est une course sans fin, où je ne vois jamais la ligne d'arrivée. Je suis exposée sans sa protection, seule face à mes peurs. Nos appels, même s'ils finissent souvent en clash, sont le seul fil qui nous relie encore. Cette connexion aussi fine que du papier à cigarette est ce qui me maintient à flot et m'empêche de perdre la tête.

Fais aussi un effort pour soigner ton apparence à l'avenir.

Son regard se pose sur mon jean maculé de boue et dans un piètre état.

Cela traduit aussi ton manque de respect envers les enseignants et tes camarades de classe.

Bam ! Dans ma face.

Renversement total des rôles à 360 degrés. Passer de la fille harcelée à celle qui harcèle, il faut le faire.

Quel monde pourri.

Je suis drainée de toute ma substance vitale et honnêtement, plaider ma cause me semble maintenant inutile.

À quoi bon, après tout ?

Mon soi-disant irrespect s'étale sur mon jean. Ça ne changera pas son opinion négative sur moi. Autant rester muette.

Au fond de moi, un cri sauvage se libère, comme si j'étais sous l'emprise d'une force irrésistible. J'aimerais hurler à la face du monde entier, à tous ces salauds qui je suis vraiment.

Qu'est-ce qui me retient ?

Accablée, je me résous à un simple signe de tête, mes épaules s'effondrant sous le poids écrasant de son jugement. Je la vois se lever et se tirer du bureau. Je ne suis rien pour elle, pas plus insignifiante qu'un insecte.

Dans le silence qui suit, je reste figée, abasourdie par l'absurdité de la situation. Le ciel me tombe sur la tête. Je n'ose même pas regarder Mme Leroy. Je me contente juste de fixer mon carnet de communication. J'hésite à le reprendre quand elle veut me le rendre. Le toucher, serait reconnaître des fautes qui ne m'appartiennent pas. Les annotations noires sur cette page immaculée me balafrent, me marquant du sceau de la honte.

Giorgia, y a-t-il un événement en particulier que tu voudrais me confier. Tu as l'air si troublée, et je suis persuadée qu'il y a plus que ces retards derrière cette peine. Peut-être est-ce dû à une chose... disons plus grave ?

Bah, à vrai dire...

La ferme Giorgia ! Ne t'aventure même pas sur ce terrain. Personne ne va te croire.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant