Chapitre 45 : Je ne donnerai pas cher de leur peau

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PIPPO

SICILE, ADRANO

MARS

Un mois déjà et Giusi est devenue mon rayon de soleil du lundi. Je ne regrette pas un instant de lui avoir proposé ce job. Elle a ce don pour rendre les choses simples, belles et pratiques.

Sachant manier une machine à coudre, je lui ai confié la mission de coudre des tentures pour mon salon. Nous avons pris la direction d'Etnapolis, le temple du shopping à Catania. Plus d'une centaine de magasins, tous alignés comme des soldats prêts à nous servir. Avec Giusi à mes côtés, j'ai choisi un tissu gris perle, doux au toucher, qui s'est marié à merveille avec ma déco minimaliste. Les tentures descendent à présent jusqu'au sol, apportant chaleur et intimité au salon.

Chaque lundi matin, un rituel s'instaure : un café onctueux partagé, un petit moment de complicité où je dévoile le programme du jour à Giusi.

Le repassage. Cette besogne, souvent interminable, me pèse. Pour être honnête, je la déteste. Mes chemises se rebellent, se marquant de plis tenaces quand je tente de les défroisser. Pour un homme, je m'en sors pas mal en ménage, mais là, c'est une autre paire de manches.

Après avoir apporté votre touche de valeur à mon salon, seriez-vous d'accord pour vous attaquer à mes chemises ? Je dois avouer que le repassage et moi, ça fait deux.

C'est ma partie préférée, le repassage, me confie-t-elle en reposant sa tasse sur la table. Et puis vous ne pouvez pas être parfait en tous points.

Je suis loin de l'être.

Qui peut se vanter de l'être ? me rassure-t-elle. Votre maison est déjà un modèle d'ordre.

J'aime que tout soit à sa place. La manne à linge est pleine à craquer, mais sans précipitation, faites comme bon vous semble. Pas besoin de vous presser et de tout finir aujourd'hui.

J'irai à mon rythme, promis.

Si je vous mettais un peu de musique. Ça vous rendrait la tâche plus agréable.

Par exemple, oui.

Je vous laisse à la cuisine. Moi, je serai au salon, à jongler avec les chiffres de la comptabilité du bar-trattoria.

En m'installant à table et en ouvrant mon ordinateur, le coup de fil de Sandrine résonne encore, discordant qui est venu perturber ma tranquillité.

Je me surprends à repenser à cette idée qu'elle me sonnait pour m'annoncer un nouveau chapitre de notre co-parentalité, une discussion concernant notre « princesse ». Sandrine est la reine des montagnes faites de talpe (taupinière). Elle m'appelle pour le plus infimes orages, déversant ses petits drames en boucles.

À chaque fois, je décroche parce qu'un père n'est pas juste celui qui donne la vie, ce serait trop facile, non, un père s'est aussi celui qui donne l'amour, et parce que c'est tout ce que je peux faire avec les kilomètres qui nous séparent.

Je ne peux pas faire moins, cette gamine est mon sang, elle est celle que j'aime au-delà des mots.

Je m'attendais à une anecdote banale, un truc d'ado, un petit écart de conduite en classe, rien de méchant.

Ma minchia, là, ce que j'ai entendu... m'a coupé le souffle, m'a refilé un coup de poings dans le bide.

Sandrine était en pleine crise au téléphone. J'ai dû lui demander de ralentir, ne comprenant rien à ce qu'elle disait, jusqu'à ce que je saisisse ce qu'elle me racontait. Giorgia s'est fait harceler au collège, une bande de minables pourris lui ont coupé les cheveux pour le « fun ».

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant