GIUSI
SICILE, ADRANO
AVRIL
Ce lundi, ma robe va lui crier : « regarde-moi ». Le mot « excessive » résonne dans ma tête, écho ironique aux propres doutes qui m'ont assailli devant le miroir. Pourtant, j'ai choisi cette tenue pour affronter la journée de travail qui s'annonce.
Les lundis, je me lève toujours avec une énergie renouvelée, prête à conquérir le monde, ou du moins, le petit univers qu'il représente pour moi, bien qu'aujourd'hui, l'incertitude bouffe la confiance qui s'est progressivement installée en moi.
Pourquoi ce besoin soudain de me mettre en avant, surtout après les chuchotements de la semaine passée ? Je devrais plutôt me fondre dans le décor, éviter ses regards. Cependant, je me dresse fièrement, par défi, pour me convaincre que les mots acérés des voisins ne sont que des épines sous mes pieds nus ─ douloureuses, certes, mais pas incapacitantes.
Mon fils semblait sur le point de perdre ses moyens quand les dernières rumeurs, propagées par Santina la vipère, ont atteint ses oreilles. Une cliente, avec discrétion, m'en a informée sous le regard horrifié de mon fils, qui a blêmi à vue d'œil, son visage devenant aussi pâle que son t-shirt blanc.
Il a murmuré une promesse de retour rapide avant de s'élancer hors du salon, comme un chevalier prêt à défendre l'honneur de sa reine. J'ai compris immédiatement où il allait, et mon cœur de mère a su qu'il était trop tard pour l'arrêter. Les échos de son affrontement avec Santina me sont rapidement parvenu : il a défendu ma réputation avec la fougue d'un lion et lui a interdit de franchir à nouveau le seuil de notre salon, sous peine de se voir expulsée par mon fils avec une rage qui ne lui ressemble pas.
Hier, j'ai noyé mon chagrin dans mes larmes, me débattant avec cette question lancinante, continuer ou abandonner ? Mais, l'idée de renoncer à mon lundi, mon unique échappatoire hebdomadaire, même si c'est pour travailler, m'est insupportable.
Quand il m'accueille, c'est avec ce sourire qui fait fondre les cœurs. Cette fois-ci, pourtant, je ne veux pas m'émouvoir.
Je ne suis que la femme de ménage, rien de plus. Après avoir fait briller son intérieur, où rien ne dépasse jamais, je rentrerai chez moi, dans mon vieux repère où tout est érodé par le temps, dans ma cuisine minuscule qui n'a rien des cuisines modernes et épurées comme la sienne.
Nous commençons toujours par un café convivial, avant que je ne plonge dans le repassage, une de mes tâches principales. Je prends soin de son linge, qui garde son odeur corporelle malgré le lavage. J'aime son parfum. Parfois, je m'évade en rêvant d'une vie similaire, avec un compagnon dans son genre, dans un appartement comme le sien, où tout s'emboîte avec une précision chirurgicale, dans cet espace qui est un hymne à la sérénité et à la pureté. Je fais semblant que je suis chez moi, que j'y suis bien alors qu'au fond, je me sens dépourvue et perdue.
Je l'avoue, il a fait chavirer mon cœur dès le premier regard. Les femmes doivent le convoiter, c'est une évidence. Et, moi, veuve discrète, je ne dois pas faire le poids.
Je ne sais rien de ses goûts, ni du genre de femme qui pourrait capturer son attention. Pourquoi me torturer l'esprit avec ces questions ? Il ne m'a proposé qu'un travail, rien de plus.
Ces pensées me traversent l'esprit alors que je finis de plier le t-shirt fraîchement repassé. Absorbée dans mes réflexions, je ne l'entends pas approcher, et son apparition ainsi que son visage serein, me surprennent.
Il m'invite à déjeuner. La table est dressée avec soin, voulant semble-t-il rendre l'instant important.
Cela pourrait presque être un dîner en amoureux, il ne manque plus que les bougies pour faire diversion. Une bouteille de rosé, légèrement pétillante, déjà servie dans nos verres, est prêt à être savourée. Il s'avance, allure assurée, verre en main, pour me l'offrir. Nous ne buvons jamais de vin, pourquoi donc aujourd'hui ?
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L'envol de la triskèle
Детектив / ТриллерJe rêve de m'envoler, de devenir aussi légère qu'une petite aigrette duveteuse de pissenlit... Mais, dans la réalité, je ne vis que dans le trou noir de mon existence..." C'est le cri silencieux que lance Giorgia, une jeune fille écrasée par l'intim...