Chapitre 34 : Hors contrôle

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PIPPO

SICILE, ADRANO

DECEMBRE

Deux mois et déjà son ombre dansante squatte les recoins les plus obscurs de mes pensées. Elle ne lâche rien : son sourire percutant, ses gestes et cette voix douce qui résonne. Toujours là, fantôme bienveillant. L'appel du désir est brutal, irrésistible.

Chaque fois que je pousse la porte du salon pour une coupe où me faire tailler la barbe par son fils, je la retrouve devant mes yeux. Plus belle que jamais.

Je me sens pathétique à rêver d'une femme déjà prise, aussi inaccessible qu'une reine.

Je fouille la poche arrière de mon jean, sortant un paquet de cigarettes froissé. D'un geste assuré, je tire une clope et la porte à mes lèvres. Dehors, sur le balcon, je l'allume, inspirant profondément l'air gelé qui pique à chaque inspiration.

Le panorama s'ouvre, grandiose, malgré la morsure de ce froid de décembre.

Perdu loin dans ma tête, le bruit du téléphone me coupe net, me forçant à rentrer et à m'en emparer.

Tiens, bizarre parfois les coïncidences.

Pronto ? je lance, après avoir mis en haut-parleur, profitant pour garder les mains libres et continuer à fumer tranquillement.

Bonjour, c'est Mme Monteforte à l'appareil.

Un sourire spontané se dessine sur mes lèvres, alors que sa voix sensuelle s'infiltre dans mon oreille, aussi enivrante que la brûlure de la clope qui se consume entre mes doigts.

D'un geste précis, je retire la cigarette d'entre mes lèvres, laissant la fumée s'échapper en volutes rebelles. Le monde autour est calme, figé, comme si le temps lui-même retenait son souffle.

Je laisse planer le silence, un rictus idiot accroché au visage, ravi par sa présence à l'autre bout de la ligne.

C'est la coiffeuse, lance-t-elle, brisant le silence qui s'étire. Vous vous rappelez de moi ?

Sa question reste suspendue entre nous, attendant une réponse que je n'ai pas encore décidé de donner. Sa voix ? Je la reconnaîtrai même dans un stade de foot plein à craquer. Distincte et inoubliable.

Votre voix m'était familière, mais j'osais à peine y croire, je mentionne avec scepticisme. Après tout ce temps sans nouvelles, je ne m'attendais vraiment plus à vous entendre.

Non, j'attendais juste d'avoir économisé suffisamment avant de vous recontacter pour la réparation... Si vous êtes toujours d'accord, bien sûr, répond-elle, semblant hésiter avant de parler.

Bien sûr, je le suis, je confirme rapidement, voulant dissiper ses doutes et lui montrer mon engagement.

La fuite est devenue incontrôlable, comme vous l'aviez prédit, et il est désormais impossible de travailler dans ces conditions. Le meuble est finalement mort. Le bas complètement pourri. Je crains qu'il faille aussi le remplacer.

Aucun problème, je remplacerai le tout. Je commanderai un nouveau meuble et la tuyauterie nécessaire. Il faudra peut-être attendre jusqu'à lundi prochain s'ils n'ont pas les pièces en stock, je promets, prêt à prendre les choses en main et à résoudre le problème.

Attendre jusqu'à lundi prochain ne sera plus un problème, à moins que vous ne soyez indisponible, ajoute-t-elle, se résignant d'avance. Avec les fêtes qui approchent, je ne voudrais pas vous retenir.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant