Chapitre 55 : L'autel de mes désillusions

5 2 0
                                    

GIUSI

SICILE, ADRANO

AVRIL

J'ai lancé un galet dans l'étang, où il a coulé droit au fond, à l'image des rumeurs qui me collent à la peau avec mon « ça aussi » qui m'a échappé. Lui avouer qu'il a ce truc qui m'attire n'était peut-être pas la meilleure des idées, surtout après avoir déballé que les on-dit m'avaient étiquetée comme une femme volage.

L'inertie m'opprime, alors je me précipite vers la cuisinière, cherchant du réconfort dans l'acte mécanique et rassurant de préparer du café.

Je me sens étrangement maladroite. Cela fait une éternité que j'ai délaissé les subtilités de la séduction. La dernière fois, c'était avec mon mari, à une époque révolue où notre complicité était aussi naturelle que notre respiration. Bien avant que notre mariage ne devienne une farce.

Face à lui, je ressens une intimidation rare. Il est un de ces hommes qui semble avoir été sculpté par les dieux, chacune de ses courbes et chacun de ses traits parfaits à mes yeux. Il m'électrise, me coupe le souffle, me réduisant au silence.

L'air vibre vers quelque chose de différent. L'atmosphère s'habille d'une brise douce, d'une légèreté qui parfume l'air. Il finit peu à peu, par me faire gagner en aisance par sa galanterie.

Mon désir est que ça finisse par se draper de bien plus que de tendresse. Je souhaite que ça crépite de plus de sensualité. Qu'il revienne près de moi, qu'il me prenne dans ses bras, qu'il m'embrasse enfin.

Je l'imagine avec tant de vivacité que je ne l'entends pas arriver derrière moi. Je le sens plus que je ne le vois, son parfum me happant les sens.

En m'avouant lui aussi ce qu'il ressent, le sucre destiné à la cafetière rate sa cible, et ce qui suit me cloue sur place.

Quand nous avons notre content de baisers, je fais face au plan de travail, où nos tasses encore pleines gisent avec le sucre éparpillé autour.

Le café doit être froid maintenant, je soulève comme détail, le remuant comme s'il pouvait se réchauffer à nouveau.

Ça n'a pas d'importance, affirme-t-il en déposant un baiser sur le haut de ma tête.

Ses mains glissent sur ma taille et m'enveloppent, me tirant contre lui. Les baisers qu'il dépose dans mon cou et son souffle contre mon oreille envoient des décharges intenses qui me déconcentrent complètement. Mes pensées deviennent aussi éparpillées que les grains de sucre à côté de ma tasse.

Regarde ce que tu m'as fait faire. Donne-moi deux secondes pour verser le café dans nos tasses, j'atteste, sans chercher néanmoins à m'échapper de son étreinte.

Mm, ronronne-t-il, la tête enfouie dans mes cheveux, respirant profondément et trouvant refuge en moi.

Il décide de faire abstraction de mes paroles, se collant encore plus près. Son désir, tangible contre mon dos, est à la fois intrusif et délicieusement troublant. Cette flambée de sensations, après des années d'attente, suscite en moi une exaltation et une anxiété douce.

Je savoure une gorgée de café encore tiède quand il me vole ma tasse et porte le liquide à ses lèvres, en prenant une lampée du nectar sombre.

C'est presque au niveau... presque, glisse-t-il, malicieux, en finissant la tasse.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant