GIORGIA
BELGIQUE, NAMUR
JUILLET
François brandit son verre avec un enthousiasme qui frôle le ridicule quand il veut célébrer le succès du « champion » qu'est Théo. Le son cristallin de leur toast résonne comme une mauvaise blague.
« Champion », vraiment ? Si seulement ce n'était pas aussi bidon. J'ai envie de me marrer. Théo, avec son diplôme acheté plus qu'obtenu, c'est le comble de la farce. Les profs ont dû se lasser et cotiser pour lui offrir sa réussite et ne plus être obligé de voir sa tronche, parce que franchement, son génie, il doit le cacher super bien.
Il bombe le torse, se la raconte, fier comme Artaban (1). Ce soir, il fête un succès tellement fake que ça en devient gênant. Aussi déplacé que si ma grand-mère débarquait en mode show girl et se lançait dans un strip-tease sur la table.
Et moi, dans tout ça ? Invisible. Mon anniv', ma propre réussite scolaire, tout est zappé. Mais bon, je m'en fiche, je n'ai pas besoin de leur cirque pour me sentir bien. Ce qui compte, ce sont les gens que j'aime.
Tout ce que je veux, c'est me barrer d'ici, et vite.
─ Si je réussissais mes exams, papa m'offrait le ticket d'avion pour la Sicile, je glisse à ma mère, qui prend une gorgée de sa sangria.
─ Il t'a déjà envoyé ce précieux sésame ? demande-t-elle, l'air étonné.
─ Nan, j'aurais eu un message. Je vais lui téléphoner maintenant tiens, je verrai ça avec lui.
─ La viande cuit sur le barbecue, c'est bientôt prêt, me coupe François.
L'exaspération me picote, prêt à jaillir comme un feu d'artifice imprévu. Je brûle de lui dire que ses sermons sur ma vie ne valent pas un clou et que ce n'est pas à lui de me dire quand je dois appeler ou non mon père. Pourtant, je joue la carte de l'indifférence, continuant la conversation comme si de rien n'était. Pour moi, il est aussi marquant qu'un graffiti effacé sur un mur.
─ Les prix sont cassés si papa réserve ce soir. Si je veux décoller la semaine prochaine, c'est le moment ou jamais.
─ La semaine prochaine ? Mais, mes vacances commencent lundi. Juillet, c'est mon mois et août, c'est celui de ton père. C'est fifty-fifty. Le jugement le stipule.
─ Maman, sérieusement, j'ai dix-huit ans aujourd'hui, je ne suis plus une gamine. Je suis là toute l'année. J'ai bien le droit de m'octroyer deux mois d'évasion par an. Je n'ai aucune envie d'attendre jusqu'en août ! je râle en soufflant.
─ Hors de question que tu partes deux mois entiers. Et puis, tu as pensé à tout ce qu'il y a à préparer pour l'université ?
─ Préparer quoi ? Mon inscription est déjà dans la poche.
─ Il y a un tas de petites choses à anticiper.
Mon inscription à l'Université de Namur est bouclée depuis des lustres. Mi-septembre, je plongerai dans le grand bain des langues et des lettres françaises et romanes, avec un focus sur la littérature et la linguistique. Franchement, à quoi bon rester ici plus longtemps ?
─ Si je reviens quelques jours avant le grand saut universitaire, ça sera nickel pour tout caler. Ces jours-là, je les mettrai à profit pour m'installer chez mamie, et le tour sera joué.
VOUS LISEZ
L'envol de la triskèle
Mystery / ThrillerJe rêve de m'envoler, de devenir aussi légère qu'une petite aigrette duveteuse de pissenlit... Mais, dans la réalité, je ne vis que dans le trou noir de mon existence..." C'est le cri silencieux que lance Giorgia, une jeune fille écrasée par l'intim...