Chapitre 47 : Sur le point de claquer

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GIORGIA

BELGIQUE, NAMUR

MARS

Quand on a appelé ma mère et qu'elle est venue me récupérer à l'école, avec mes cheveux coupés et le carnage capillaire, elle a failli avoir une attaque. Malgré sa persévérance, j'ai refusé de lâcher du lest et de lui expliquer ce qui est arrivé.

J'ai refusé de me regarder dans le miroir jusqu'à ce matin. C'était le choc entre deux versions de moi-même. L'une d'hier, et l'autre d'aujourd'hui.

À droite, la fille de dix-sept piges avec ses cheveux qui défient les lois de la gravité, en une cascade de boucles blondes. Leur texture soyeuse brillant sous un éclairage tamisé, un effet voulu pour ne pas me voir.

À gauche, c'était carrément autre chose : des mèches coupées à la va-vite, s'arrêtant net au niveau de ma clavicule, comme un gros « fuck » à mon ancien moi. Avec cette texture rugueuse, marquée par la précipitation des coups de ciseaux.

Ce reflet, c'était le clash d'une âme en rade, le visage d'une nana qui avait perdu son feu. J'ai tellement pleuré ces derniers jours que mes larmes ont laissés une sensation salée sur mes joues. Mes yeux ont gardé la trace de brûlure et me cuisent encore. Cloîtrée dans ma chambre, c'était moi contre les murs qui me faisaient face, et cette « chose » derrière la trappe.

Cette fois-ci, elle a capté ma détresse et m'a lâché la grappe. On dirait bien que c'est la seule à piger.

Le silence de ma chambre est si oppressant que les échos du tic-tac de l'horloge du couloir résonnent en écho incessant.

Depuis que j'ai parlé avec mon père, je me sens un peu mieux, même si je suis toujours aussi paumé et que j'ai toujours aussi peur.

Ma mère est revenue dans ma chambre après le coup de fil. Elle a tellement gratté pour voir ce qui me bouffait de l'intérieur, que j'ai dû avouer quelques bribes.

Le choc s'est inscrit sur son visage quand elle a compris que Théo était fautif lui aussi. La bouche bée. Le bruit de la porte de ma chambre, qui a claqué, résonne encore et martèle mon crâne.

Elle va sortir les griffes, lionne prête à passer à l'attaque, et François va se prendre des balles perdues.

Le grondement de ses exclamations parvient jusqu'à ma retraite solitaire, perçant ma tranquillité là-haut. La curiosité me pousse hors de ma chambre, dans le couloir, à l'écoute et les oreilles tendues.

Je l'entends menacer François de le jeter s'il ne met pas son fils au pas. Si seulement ce n'était pas que du vent et qu'on pouvait se tirer de ce merdier, et vite.

Ces menaces, pourtant, ne sont que du flan. La réalité, c'est le goût amer de l'incertitude qui plane sur ma langue, me rappelant que la sortie n'est pas encore pour maintenant.

En bas, la cacophonie règne. Ma mère hurle au scandale, obligeant Théo à venir s'expliquer. Intriguée, je redescends jusqu'au premier étage, m'asseyant sur une marche qui craque sous mon poids, pour saisir les échos de leur tumulte.

Théo, dos au mur, brandit des justifications bancales, aussi fragiles que des bulles de savon.

Les larmes me trahissent à nouveau, coulant malgré moi. À leurs yeux, je reste, encore et toujours, cette affabulatrice de service, celle qui tisse des mensonges pour attirer l'attention.

Je n'ai rien fait, et mes potes non plus. C'est elle qui fabule et brode des histoires, pour nous faire passer pour des imbéciles, se défend-il.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant