Chapitre 11 : Mon superman

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GIORGIA

BELGIQUE, NAMUR

OCTOBRE

En faisant irruption aux urgences, ma mère se fraie un chemin entre les sièges de la salle d'attente avec une agilité qui surclasse une scène tout droit sortie de Call of Duty. Le cœur léger, je suis en contraste malgré ma résolution antérieure de ne pas vouloir l'importuner. Cependant, je ne peux pas m'empêcher d'appréhender et de décrypter sa réaction. Ça me stresse.

Elle s'avance vers moi, son visage se détachant sous l'éclairage agressif des néons de l'hôpital. Ma mère, véritable colonne vertébrale de notre foyer, orchestre notre quotidien avec une maîtrise remarquable. Cette main de fer semble aujourd'hui submergée par le poids du monde. Son armure apparaît fissurée, exposant une sensibilité rarement vue.

Quelle catastrophe as-tu déclenchée cette fois ? m'interroge-t-elle, gelant l'air entre nous.

Pétrifiée et interloquée, je me fige.

Cette insinuation à la faute ? Mais, pourquoi ?

Ma seule erreur est cette gamelle épique qui m'a abîmé la main.

Elle exige la vérité, pas une excuse bidon ou toute tentative de diversion. Son ton distant, presque étranger, m'atteint au plus profond de mon être. Il est loin de la chaleur maternelle attendue. Je me raidis plus encore, déterminée à ne pas laisser paraître mon trouble. Au lieu de me condamner, elle devrait vérifier si je vais bien et manifester son inquiétude.

Mais, rien, pas la moindre trace d'empathie.

Fini l'époque lointaine de réconfort où je pouvais me consoler dans ses bras.

Elle choisit plutôt de s'asseoir sur une chaise en plastique, affichant une lassitude et un désespoir abyssal.

Mme Leroy, l'éducatrice, reste là, spectatrice silencieuse. À la vue de ma mère, elle se lève, initiant une conversation privée à l'écart des oreilles indiscrètes.

Secret défense ou quoi ?

Elles échangent à propos de moi, c'est une certitude. De ma position, je déchiffre la déception qui se peint sur le visage de ma mère. Elle doit se sentir accablée par ce nouveau contretemps. Un de plus.

Je n'ai rien demandé. Franchement, moi aussi, j'aurais aimé être n'importe où sauf ici.

Je suis navrée de vous importuner avec ce problème, s'excuse-t-elle auprès de l'éducatrice.

Sérieux ? Ainsi, me voilà réduite à un « problème » pour ma mère ? Cette réalité me heurte de plein fouet et rebondit sur ma face. La prise de conscience fait naître en moi une amertume difficile à avaler. Ça pèse lourd sur mon frêle corps.

Ça commence à devenir une habitude, ouais. Mais, par contre, ça ne signifie pas que je m'y accoutume.

Mme Leroy continue de jacter(1) avec ma mère, en mode « tout est tranquille, je vais bien, merci, toi aussi ». Elle me jette un regard tellement empli de sollicitude que c'en est doux et rassurant. Elle se soucie vraiment de ma personne, on dirait. Sa voix se fait plus basse, presque un chuchotis, gardant le reste de l'échange secret. Ma mère est à cran, tripotant ses mains nerveusement. Elle est à bout, débordée et épuisée, ses traits ne mentent pas. Je me demande comment elle parvient à tout encadrer : le travail, le foyer, et moi, sans mentionner les imprévus de dernière minute.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant