GIORGIA
BELGIQUE, NAMUR
OCTOBRE
─ Tu prévois de la boucler quand avec tes conneries ? explose soudain Arthur en se renversant contre le dossier de sa chaise et en abandonnant ses couverts de chaque côté de son assiette.
Le regard assassin d'Arthur tranche l'atmosphère, signe que sa patience a franchi le seuil de tolérance admis. Comment deux frères peuvent-ils être aussi diamétralement opposés, à l'antipode, c'est un mystère cosmique. Cette opposition fraternelle, le yin et le yang vivants, est bien réelle. Arthur est l'incarnation de la tranquillité posée, à mille lieux de Théo qui est dissipé et exalté.
─ Arrête tes délires. À force de caricaturer, tu deviens relou. Sérieusement, ces imitations à deux balles, c'est quoi le problème ?
Arthur se tourne vers son père, sarcasme à l'appui.
─ Il a manqué d'oxygène à la naissance ou quoi ?
─ Théo, tu as fait ce que je t'ai demandé ? J'entends encore Lucifer aboyer. Tu l'as nourri ou pas ? intervient François, esquivant la pique avec agilité.
Théo, l'air désinvolte, passe une main dans ses cheveux.
─ Ouais, j'y vais, j'y vais, après le repas, je m'y colle.
─ Tu joues à quoi là ? Ton cirque dans la buanderie, c'était censé être quoi exactement ? commence à monter en température François.
─ Ahhh, je préparais sa gamelle... et celle de...
Il se tourne vers moi, l'arrogance en bandoulière, ce qui me donne envie de lui pulvériser la face. Contre toute attente, il se lance et se met à chanter en rappant, le jingle d'une pub canine.
─ Canigou... ou... ou... canigou... Un festin pour mon toutou. Alors, Gia, ça te parle cette lasagne au Canigou ? Ça t'a secoué les papilles ? Délicieux, pas vrai ?
─ La lasagne au quoi ?
J'avoue, je navigue en pleine brume. Ces mots sont un casse-tête chinois sans mode d'emploi. Sans déconner. Est-ce une blague de mauvais goût ? Refusant de l'admettre, une idée absurde se fraye pourtant un chemin dans mon esprit.
Et, en plus, il en remet une couche, faisant monter l'adrénaline à un niveau alarmant.
─ Les lasagnes au Canigou, tu vois. Surprenant, mais pas mal. Après tout, de la viande reste de la viande, d'où qu'elle vienne. Pas de quoi fouetter un chat.
Son sourire de conquérant prend toute la place. Il savoure ma gêne, sans retenue. Figée, la terreur s'emballe dans mes veines. D'une voix ébranlée, je l'interroge :
─ C'est quoi ce délire ?
─ Ben, c'est du Canigou, ça me semble évident, non ? me balance-t-il comme si j'étais à côté de la plaque.
C'en est trop ! Je vais le tuer. Là, c'est la goutte de trop. Mon souffle devient court, et je suis à un cheveu de l'hyperventilation.
─ Tu es en train de me dire que... tu as osé mettre de la pâtée pour chien dans ma lasagne ?!
Il éclate de rire, un rire franc, et moi, je me bats pour ne pas laisser éclater le cri qui me bloque la gorge.
─ Carrément, ouais. Tu t'attendais à quoi ? À un repas étoilé ?
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L'envol de la triskèle
Bí ẩn / Giật gânJe rêve de m'envoler, de devenir aussi légère qu'une petite aigrette duveteuse de pissenlit... Mais, dans la réalité, je ne vis que dans le trou noir de mon existence..." C'est le cri silencieux que lance Giorgia, une jeune fille écrasée par l'intim...