Chapitre 44 : Une illusion d'optique

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GIORGIA

BELGIQUE, NAMUR

MARS

Une seconde gifle cingle l'air et s'écrase sur ma joue, éclatant ma lèvre et libérant une douleur intense qui se propage, feu sauvage sur ma peau. Peu importe la douleur qui déforme mon visage, je me redresse, le défiant avec une haine ardente qui calcine mon regard acéré.

Espèce de petite pute, me catalogue-t-il. Tu joues les innocentes, mais t'es comme toutes les autres, tu rêves de tâter du calibre.

Les plus allumées sont aussi les plus chaudes, se marre Clarissa.

De quel calibre tu causes, Jules ? Du cure-dent qui pend entre tes jambes ?

Ohhh, Jules, ricane Clément. Elle insinue que t'as une petite bite, mec.

Voilà, je garde la tête haute et tiens le cap face au caprice du vent. Théo, dans son coin, se la joue cool attitude, adossé à ce mur qui suinte la froideur, son chewing-gum tournant dans sa bouche avec une désinvolture qui frôle l'arrogance. Il kiffe la scène, sourire moqueur collé aux lèvres. Je pense qu'il se croit devant un épisode de sa série préférée. Pour lui, c'est la distraction parfaite du jour, une petite tranche de vie captée en direct. Finalement, pas si con que ça le type, il ne se mouille pas dans l'histoire, il adopte seulement la position de l'observateur.

Matez-la, la petite Gia, elle se voit déjà se mesurer aux plus grands, dit-il d'une voix traînante, presque mélodieuse, empoisonnée néanmoins de sarcasmes.

Je t'emmerde !

Il est temps de ramper à nos pieds princesse.

On se demande qui de nous deux rampes en vérité. Surtout devant papa.

Son faciès, généralement si plein d'assurances, craque sous le tir des moqueries qui suivent ma répartie. Il se détache du mur avec une lenteur calculée, masquant son trouble derrière un voile de détachement.

Il s'avance, son regard verrouillé sur le mien. Avec une délicatesse surprenante, il effleure ma lèvre fendue du gras de son pouce, traçant le ruban carmin qui s'y est formé. Il étudie le sang sur son doigt puis l'amène avec une lenteur exquise à ses lèvres, en savourant le goût ferreux. Il le compare au plus exquis des nectars, à une friandise rare sur son palais.

Puis, avec une tranquillité feinte, il se courbe vers Jules, lui murmurant à l'oreille un plan si vicieux, si perfide, qu'il ne peut venir que d'une tête aussi tordue que la sienne. Après avoir partagé son complot diabolique, il se redresse et me fixe, un sourire tordu se peignant sur son visage, qui promet des jeux cruels, un prologue d'une suite d'actes encore plus sinistres.

Le monde s'arrête de tourner, le temps de plusieurs battements de cœur. Avec une angoisse réelle, je cherche à percer les sombres plans que Théo mijote dans son esprit malade. Autour de moi, les larves attendent les directives, guettant le moindre signe pour attaquer. Théo retourne vers son mur, d'une démarche lente et assurée qui dégage une aisance que seul le temps semble lui accorder.

Montre-lui que ton cure-dent a de la gueule, Jules, balance-t-il.

Va chier, enfoiré, je crache, alors qu'il donne le feu vert à l'autre connard.

Mes bras sont tirés avec une brutalité qui me coupe le souffle, étirés jusqu'à l'extrême limite de leur résistance. La douleur est insupportable, et sous cette pression implacable, mes genoux ploient et rencontrent le sol froid et dur. Là, soumise, je suis exposée à leur regard triomphant de lâches.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant