Chapitre 77 : Où je me trouve

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GIORGIA

BELGIQUE, NAMUR

JUILLET

Arthur peut débarquer d'une seconde à l'autre, et je me sens juste là, à la merci du temps qui s'effiloche. Verrouiller la porte m'a donné un micro répit, mais ça reste du chewing-gum face à un tsunami. Mes défenses mentales sont fragiles, prêtes à craquer sous le poids de l'angoisse qui monte.

Si je ne veux pas crever ici, je dois trouver une alternative.

La maigre idée qui me traverse l'esprit, arrive, aussi vive et tranchante que l'adrénaline qui bat dans mes veines. Je file à la salle de bain et referme à clé, comme si j'y étais enfermée. C'est un bluff, un faux-semblant pour gruger Arthur et gagner ces quelques minutes vitales.

Boostée par une énergie de folie, je bouscule le meuble contre le mur, dévoilant la trappe secrète. Mes mains, guidées par la nécessité absolue de m'en sortir, ouvre la porte et la rabat contre le mur. Me faufilant à l'intérieur, je remets le meuble en place pour cacher ma trace. L'obscurité est totale, un vrai trou noir, mais ma volonté est trop forte pour me poser d'autres questions.

Plongée dans cette noirceur abyssale, je lutte pour calmer ma respiration, l'air chargé de poussière me pique les poumons. Les mains flippées, je fouille mon sac à main à la vitesse de la lumière, sortant mon smartphone. La touche lampe torche s'allume, éclairant l'espace confiné. Les poutres du toit se dressent, imposantes, dans un espace juste assez grand pour me permettre de me tenir debout sans faire la fête aux toiles d'araignées.

Si c'est le seul moyen de m'échapper, alors soit. Le plancher en contreplaqué gémit sous mes pas délibérés, les craquements amplifiés par le silence de plomb. Je balaye l'espace confiné, de droite à gauche, jusqu'à ce que mon faisceau se fige sur une forme recroquevillée dans l'ombre, oscillant avec une lenteur hypnotique.

Elle est là, blottie dans un recoin, une silhouette étrangement familière. La « chose » qui peuple mes nuits d'effroi depuis notre arrivée dans ce manoir. Sa forme est indistincte, ses contours semblent danser au gré des ombres. Sa tête, trop grande pour son corps, se lève vers moi, et ses doigts démesurés éraflent le bois ancien.

Une sueur froide serpente le long de ma colonne vertébrale alors qu'elle remue, ses mouvements brusques et saccadés, comme si elle était mal à l'aise sous l'éclat de ma torche. Mon cœur bat à tout rompre, étouffant le murmure de mes pensées.

Puis, l'obscurité m'engloutit quand ma lampe s'éteint.

Allume-toi, bon sang ! je supplie, secouant l'appareil avec désespoir.

Après d'innombrables tentatives, la lumière revient enfin, tremblante dans ma paume moite.

Je reste là, à la contempler, le temps figé, jusqu'à ce que la réalité me frappe avec une horreur teintée de fascination : la « chose », contre toute attente, à l'air plus apeurée que moi. Ses yeux, deux perles noires éclatantes, me scrutent avec une intensité déconcertante, presque humaine. Un gémissement ténu, plein de douleur, s'échappe de ses lèvres, brisant le silence lourd qui nous enveloppe.

Mon Dieu, qui es-tu ?

L'interrogation s'échappe de mes lèvres, une crainte teintée de fascination.

Un sentiment de compassion me submerge face à cette entité, aussi terrifiante qu'elle puisse paraître. Elle partage mon calvaire, prisonnière de ces murs, comme moi. Est-ce possible qu'une âme puisse être ainsi perdue, condamnée à errer dans cette parodie d'existence ? Son allure défie toute logique, son corps n'a rien d'humain. Elle ne peut pas être réelle.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant