Chapitre 12 : Moi, la Cendrillon du ghetto, je veux aller au bal

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GIORGIA

BELGIQUE, NAMUR

OCTOBRE

C'est fou ce besoin pressant de consolation quand on est paumé, déraciné, sans savoir quelle direction prendre. Je parierai que mon niveau de sérotonine frôle le plancher, carrément à l'ouest. Si seulement je pouvais le doper un peu, peut-être que je me sentirais moins dans le flou. Cette hormone est le booster de l'humeur, du sommeil et de l'appétit. Ça expliquerait pourquoi je suis insomniaque, pourquoi j'ai un appétit de moineau et un sentiment de néant intense. C'est une battle (bataille) sans fin dans mon corps. Cette chute de sérotonine me fait voir la vie en noir et blanc, sans une once de gris pour adoucir les angles.

Du coup, cette nuit, ça va être chaud de rester éveillée, à l'écoute de ce qui se passe autour.

Non, je n'ai pas halluciné. Cette voix, ces pas et ces bruits, je les entends ! Elle, je la vois même. 

Je ne suis pas tarée.

Ni malade.

Alors c'est quoi le délire ? Franchement, je l'ignore, je suis aussi larguée et dans le flou que vous.

Après leur échange à peine voilé et la conclusion de l'intervention qui m'a laissé avec quelques points de suture, on retourne à la maison.

J'ai les boules de dire ça.

Cette maison ne sera jamais notre chez nous et on ne sera jamais vraiment bien ici. En sécurité, en tout cas pas moi.

De concert, nous marquons un arrêt sur le seuil de la cuisine, où le chaos du matin règne encore en maître. Bien sûr, pas de Mary Poppins pour nous filer un coup de main et tous ranger avec son soupçon de magie. Sans intervention divine, nous sommes dans une impasse sévère.

L'anarchie fait loi. À cette vision, les yeux de ma mère se noient de larmes. En plus de devoir couper court à sa pause sommeil pour venir me chercher à l'hôpital, elle doit maintenant s'attaquer à tout ce foutoir. Pas une seule seconde pour souffler.

Se sent-elle aussi piégée que moi ici ? Mon vœu le plus cher est qu'elle prenne la décision de nous libérer de cet endroit. Autant rêver, on vient à peine d'emménager. 

Je suis claquée aussi. Je n'ai qu'un désir, celui de m'écrouler dans mon lit et de m'enfuir sous les douceurs de ma couette. Mais, agir pour mon propre confort ne me traverse pas l'esprit, sachant que ma mère est bien plus épuisée et qu'il est de mon devoir de la soutenir.

Retourne te reposer. Je prends les choses en main ici, je lui propose, simulant une pêche d'enfer que je suis loin de ressentir.

Elle me fixe, comme si ces mots lui étaient étrangers. Un éclair d'espoir illumine ses yeux, une lueur éphémère qui s'évanouit sous le poids de la culpabilité et met tout en l'air.

Avec ta main dans cet état ? Laisse tomber ! Tu devrais récupérer, conteste-t-elle, rejetant mon offre qui semble sans aucune valeur.

Toi aussi, tu devrais te poser. Mais non, tu te tues à la tâche dans cette baraque.

Quelqu'un doit bien s'en charger.

Et, pourquoi ce serait toujours notre rôle ? Ils nous traitent comme de la piétaille ici ! j'en ai marre de nettoyer leur désordre. Il a assez de frics, il n'a qu'à engager quelqu'un. 

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant