Chapitre 56 : Une âme fragmentée

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PIPPO

SICILE, ADRANO

AVRIL

Je maintiens une façade de sérénité, mais intérieurement, je ressemble à l'Etna, prêt à entrer en éruption face à l'effronterie de Carla. Elle s'emploie à saboter les fondations de confiance que j'ai bâties avec Giusi, risquant de réduire à néant l'estime que j'avais gagnée à ses yeux. Elle doit me voir maintenant comme le dernier des traîtres, un homme jouant double jeu.

On ne me repousse pas sans justification, affirme-t-elle, vénère. Je suis inégalable au lit. Aucune femme ne peut t'apporter ce que je peux t'offrir.

Tu es indécente, Carla ! Tu devrais modérer tes exploits vulgaires.

Elle me déshabille des yeux, cherchant la fissure qui pourrait ébranler ma résolution.

Rappelle-toi à quel point tu as aimé ce que ma bouche t'a fait, amore, susurre-t-elle, employant une douceur faussée.

Amore ? Un ricanement méprisant m'échappe, dévoilant tout le dédain que j'éprouve à l'énoncé de ce surnom absurde.

Retourne d'où tu viens et cesse de me déranger. J'apprécierais retrouver la paix.

Pippo ! Comment peux-tu me faire ça ? Tu ne peux pas me laisser tomber.

Elle m'implore, dernier espoir pour entrer une seconde fois dans ma vie.

Crois-moi, je n'hésiterai pas une seconde à prendre des mesures légales si tu t'avises de revenir ici, je lui promets en lui refermant la porte au nez.

Je respire une grande bouffée d'air et me retourne, surprenant Giusi perdue dans le couloir. Elle accuse déjà le coup, incrédule.

Quel stronzo, quel imbécile je fais.

Elle a tout entendu.

Je me sens soudain comme le plus grand des cons, l'archétype du séducteur qui s'est pris les pieds dans le tapis et n'a pas mesuré l'impact de ses actions.

Est-ce vraiment ce qui s'est passé ?

En tout cas, je viens d'embrasser une femme pour en repousser une autre juste après, une manœuvre qu'elle doit manifestement trouver pitoyable.

Le karma a décidément un timing impeccable.

Je suis navré que tu aies été témoin de cette comédie grotesque. Après ce que nous venons de partager, ce n'est pas très...

Mes excuses sonnent tellement creuses que je m'arrête. Il est primordial que je sorte ma dernière carte à jouer. Celle de la vérité, au risque de ne pas apaiser ses doutes.

Bien avant que nos routes se croisent, elle et moi avons eu une histoire d'un soir, j'explique, étranglé par la peur de ne pas être cru.

Ses lèvres se serrent en une expression de déception.

Carla est une voisine qui habite plus haut dans l'immeuble. Elle a décidé après cette brève aventure que j'étais son projet amoureux de l'année, insistant, semaine après semaine, malgré mes signaux clairs qui indiquait que je ne cherchais rien de sérieux. Pourtant, elle ne lâche pas l'affaire. Un soir où elle m'a un peu trop chauffé, j'ai fini par flancher, par céder à un besoin physique. Depuis, elle me colle une étiquette de « destiné l'un à l'autre » que je n'ai jamais demandé.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant