Chapitre 42 : Voilà tout

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PIPPO

SICILE, ADRANO

FEVRIER

Aucun doute n'existe, je suis retombé dans le même salon de coiffure. Toujours le même vieux repaire de commères, où les ragots volent bas. Une en particulier remporte la palme d'or avec ses piques bien huilées qui mènent la danse. Les autres clientes font semblant d'écouter, hochant la tête sans conviction, tandis que la conversation s'étire, ennuyeuse à mourir.

Quand elle finit de déblatérer, elle se tourne vers elle avec une impatience non dissimulée.

Giusi, tu vas encore passer combien de temps avec Nunzia ? demande-t-elle avec insistance. Mon mari va commencer à s'énerver, je dois être rentrée dans une heure et demi.

Santina, je ne peux pas bâcler la coupe de Nunzia pour te prendre plus tôt, répond-elle calmement. Si tu es vraiment pressée, Laora peut s'occuper de toi.

Non, la technique de ta nièce n'est pas au point. Quand c'est elle qui s'en occupe, ça ne tient pas.

C'est faux, elle sait faire aussi bien que moi.

Je préfère que ce soit toi.

À l'autre bout de la pièce, la jeune fille lève les yeux au ciel, ses iris roulants d'exaspération. Un chuchotement s'échappe de ses lèvres serrées, sûrement une injure.

Alors, tu patienteras comme tout le monde, Santina, lance-t-elle pour trancher le débat.

La réplique est vengée par une autre pique.

Dis donc, Giusi, j'ai entendu dire que tu cherchais du boulot en plus le lundi pour rembourser les frais d'obsèques de ton défunt mari ?

La question, crue et intrusive, fait l'effet d'une gifle. Le silence s'abat, seul le cliquetis des ciseaux se fait entendre, puis s'arrête brusquement. Mme Monteforte relève les yeux, ses pupilles lancent des éclairs à l'importune, la foudroyant pour son indiscrétion et sa pique acerbe, proférée sans gêne devant chacun.

Ne cherche plus. Je vais te faire une fleur, propose l'indélicate avec une condescendance voilée. Avec la « Putia », je suis débordée et j'ai besoin de quelqu'un pour le ménage et pour veiller sur mon mari. Il est cloué au lit maintenant, il a perdu toute autonomie, même pour aller aux toilettes. Je me suis dit, avec ton expérience auprès de ta vieille mère, que tu serais parfaite pour ça.

Elle ne lui répond même pas, se concentrant sur sa coupe, mais je perçois clairement, à travers ses gestes brusques et le maniement presque agressif de ses ciseaux, toute l'indignation silencieuse qu'elle renferme.

Je te paierai 4 euros l'heure, commence-t-elle avec son sourire mielleux qui ne parvient pas à masquer son avarice sous-jacente. Ce qui n'est pas aussi mal que ça en a l'air. En travaillant 8 heures, ça te fera 32 euros par jour.

Sa proposition, aussi alléchante qu'elle tente de la présenter, résonne comme une insulte déguisée.

Je pourrais même arrondir à 35, ajoute-t-elle avec une fierté aussi flagrante que ses cheveux crépus. Parce que je suis généreuse, c'est dans ma nature.

Elle emmerde tout le monde celle-là avec son monologue de pacotille. Moi le premier. 35 euros vraiment ? Pas de quoi être fière.De qui se moque-t-elle avec sa charité déguisée ? Elle veut juste tirer la couverture à elle et montrer des airs de bienfaitrice, mais tout le monde voit à travers son jeu. Ça me titille grave qu'elle s'en prenne à elle.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant