Chapitre 23 : Je suis fichu

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PIPPO

SICILE, ADRANO

OCTOBRE

Je veux l'épauler, pas juste parce qu'elle allume une flamme en moi. Je l'observe, cette battante du quotidien, qui repousse l'aide comme on balaye une ombre. Son refus ne fait que booster ma détermination.

Je ne me laisse pas distraire par les tracas, mais j'ai toujours eu ce côté bienfaiteur.

Merci quand même, articule-t-elle, avec une étincelle de reconnaissance dans les yeux. J'estime votre fair-play. Mais, je ne peux pas adhérer à ce type d'accord.

Je comprends votre perspective. Juste un rappel. Parfois, prendre la main qu'on vous tend n'est pas une faiblesse, c'est une marque de sagesse.

Elle penche la tête, enfermée dans sa résolution. Son visage est verrouillé, sans traces d'hésitation.

Je paierai pour vos efforts si mon mari est d'accord pour que vous commenciez les travaux, sinon sortez-moi de votre tête, assène-t-elle avec conviction.

C'est noté, on peaufinera ça plus tard. Laissez-moi juste jauger le boulot. Je vous envoie un devis sous peu si c'est ok.

Et n'oubliez aucun détail.

Comptez sur moi, je lance sans attendre. Si les finances sont justes, on pourra étaler le paiement. Pas de pression.

À ces mots, elle se tend, son regard se plante dans le mien, impénétrable et glacial. Un sourire se fraye un chemin sur ses lèvres, mais c'est tout sauf chaleureux. Plus un rictus tendu, tranchant comme du verre. Loin de la rassurer, mes mots l'ont irritée.

Si je n'ai pas l'argent, j'attendrai. J'ai une autre règle qui est indiscutable : pas de dette. Je paie d'avance pour le matériel et le reste à la fin des travaux, affirme-t-elle avec conviction.

Clair, concis. Je hoche la tête, respectant son compromis, sa transparence. J'apprécie cette force de caractère, cette intégrité inébranlable.

Compris. Ça me va. Vous avez ma parole que je ne dérogerai pas à notre accord, je conviens.

Elle impose ses règles sans faillir. J'admire cette volonté de fer, cette indépendance farouche. Nous avons trouvé un terrain d'entente, un respect mutuel de nos principes.

Qui est cette femme ?

Si c'est ok pour vous, faites-moi signe quand ça vous arrange. La semaine, je suis blindé de boulot. Je peux me libérer le lundi, je propose, si ça ne perturbe pas votre routine familiale.

Ça tombe bien, c'est aussi mon jour de congé au salon. Je serai chez moi, confirme-t-elle. Pour discuter boulot, évidemment. Si mon mari donne son feu vert.

Naturellement, ça va de soi, j'ajoute avec un sourire qui frôle l'impertinence.

Notre échange terminé, je m'incline et m'éclipse. Pas la peine d'insister, de risquer de paraître envahissant. Pourtant, l'envie de prolonger ce moment reste ancrée, persistante.

Sur le point de me laisser retomber sur le canapé râpé, je la vois du coin de l'œil, glissant vers le comptoir. Sans y penser, je me lève et la suis. La logique crierait à la résistance, mais mon instinct l'emporte sur les miettes de raison qui me restent. Nos regards s'accrochent, indissociables.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant