Chapitre 18 : Peut-être est-ce pour le mieux

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GIUSI

SICILE, ADRANO

OCTOBRE

Laora ? je l'interpelle.

Hm, marmonne-t-elle, distraite et visiblement bien absorbée par l'extérieur.

Tu sais, les récipients ne vont pas se nettoyer par magie, je rebondis, rajoutant une touche de taquinerie à notre journée sans fin.

Ah, oui, tout à fait, pardon !

Elle revient d'un bond à la réalité ─ et à sa tâche ─ son élan précipité marquant sa gêne.

Oups, désolée, c'est juste que... débute-t-elle, suspendant sa phrase, comme si ce qui pouvait suivre pesait une tonne.

Qu'est-ce qui te fascine tant de l'autre côté de la porte ? je lui demande, piquée au vif, cherchant à déchiffrer l'énigme de sa distraction.

Rien, rien du tout, je t'assure, répond-elle, son visage s'illuminant d'un rouge qui crie le contraire.

Finis vite avec ces pots, et puis tu pourras filer. Ta mère va finir par monter une expédition de recherche si je ne te renvoi pas à la maison, je lance, lui offrant un prétexte pour s'éclipser.

Je vais rester encore un peu. Après tout, le chemin du retour est l'affaire de quelques pas seulement.

Et pour cause, ma sœur et mon beau-frère, ses parents, sont nos voisins de palier, juste de l'autre côté de la cour.

Sa volonté de prolonger chaque minute ici dissimule un secret à peine voilé. Comprenant entre les lignes, je choisis de la laisser maître de son temps, lui offrant le luxe de se délecter de ce qui la retient ici avec tant de force.

Dis-moi, tu ne serais pas, par hasard, en train de jouer les prolongations pour avoir un meilleur angle sur un certain jeune homme en t-shirt noir, juste de l'autre côté de cette porte, je la taquine, un sourire complice aux lèvres.

Qui, moi ? Mais, pas du tout. Jamais de la vie, zia (tante) Giusi.

Elle tente de se draper dans une fausse indignation, ce qui échoue devant le sourire qui éclaire son visage, trahissant son amusement.

Je suis là, tu le sais, pour toi et rien que pour toi, dit-elle, adoptant un ton faussement sérieux.

Bien sûr, cara (chérie), comme si j'avais un doute, je réponds, l'œil pétillant de malice.

Notre complicité a quelque chose de spécial, un vrai petit truc magique qui met de la couleur dans notre quotidien. C'est une joie de partager ces instants avec elle. Sa jeunesse insuffle un vent de fraîcheur, me rappelant la jeune fille que j'ai été, pleine d'énergie débordante et de spontanéité. Nous ne partageons pas seulement une ressemblance physique ; notre lien transcende le simple cadre familial, c'est plus fort. Pour tout dire, elle est un peu la fille que j'aurais adorée avoir après mon fils.

Reprise par son intérêt, elle se précipite de nouveau vers la persienne, littéralement happée par ce gars. Après avoir joué les voyeuses, elle se rejette loin de la porte avec un petit cri étouffé.

Accidenti ! (mince), Je crois qu'il m'a grillé...

Sa réaction, une petite perle comique, m'amuse. Elle revient au lavabo, simulant l'occupation, mais ses yeux rêveurs dessinent clairement les contours d'un cœur qui bat fort. La voir ainsi émue, d'ordinaire si pleine d'assurance et d'indépendance, ajoute une couche d'attendrissement à son aspect habituellement si posé. Laora, l'incarnation de la raison et de la maturité, se retrouve désarmée par les flèches de la passion.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant