Chapitre 37 : Ça motive un peu plus

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PIPPO

SICILE, ADRANO

JANVIER

Je suis absorbé par la réorganisation de ma réserve dans le bar-trattoria quand Marco, mon fils, l'air sérieux, vient m'annoncer que la mère de son ami est là, attendant dans la salle encore vide.

Elle se présente, raide comme la justice, son regard scintillant d'une fierté indomptable. Alors que je m'approche, elle ne bouge pas, sauf pour glisser une enveloppe sur une des tables, déposant le gage de sa volonté.

Je n'ai pas pu rassembler la totalité de ce que je vous dois, mais c'est la moitié, 250 euros. Je n'ai pas encore tout, mais le reste suivra, c'est promis. Le mois prochain, assure-t-elle en ébranlant le calme de la salle.

Ne vous souciez que du matériel. Les 80 euros restants ne me manqueront pas. Ce n'est pas cette petite somme qui va m'affamer, je réponds avec une sérénité que je tente d'injecter.

Je veux qu'elle sache que je suis au-dessus de ces trivialités matérielles, que je n'ai pas besoin de leur argent, surtout après la façon dont son mari m'a traité.

500 euros, c'est ce qui est écrit sur ce papier, souligne-t-elle en reprenant l'enveloppe et en l'agitant de ses doigts avant de la reposer sur la table. Je vous rembourserai jusqu'au dernier centime. Je n'ai pas besoin de votre charité, même si je suis dans le besoin et que je suis une femme...

Ce qu'elle était sur le point d'annoncer se brise dans sa gorge et elle affiche cette fierté qui ne demande rien à personne.

Elle s'arrête net, l'effort de prononcer cette réalité à haute voix impensable. Son regard se dérobe, furtivement, vers le bar où mes fils, bras animés et mains habiles, s'emploient avec ardeur. Elle semble craindre que leurs oreilles aiguisées ne saisissent notre conversation, bien que nous soyons à bonne distance et que nos voix soient réduites à un chuchotement complice. Lorsque je me retourne, mes fils lèvent les yeux, m'interrogeant du regard. Un froncement de sourcils ferme, leur ordonne, silencieusement, de rester concentrés sur leur tâche, me laissant régler cette affaire avec la mère de leur ami, en toute discrétion.

Je suis vraiment désolée pour ce qui s'est passé, ajoute-t-elle, avec remords.

Désolée pour quoi, Mme Monteforte ? Est-ce parce que votre mari m'a calomnié, me peignant en voleur, en séducteur que je ne suis pas, ou parce que j'ai pris votre défense et que votre seule réponse fut de me renvoyer, me disant de me mêler de mes affaires, de rester à ma place ? je la réprimande.

Ma réplique est directe et sans détour, cherchant à clarifier les choses.

Elle blêmit, ses bras se croisant en une barrière instinctive. Nos regards s'affrontent, étincelants de défiance. Elle paraît plus secouée par ma réaction que par l'insulte elle-même.

Si je n'avais pas réagi ainsi, que pensez-vous qu'il serait arrivé ?

...

Je vais vous le dire ! Une autre raclée, sans doute plus sévère que celle dont vous avez été le témoin. Croyez-vous qu'il était là pour plaisanter ? Alors, excusez-moi si j'ai froissé votre orgueil ! Ce n'était pas de l'ingratitude, mais une nécessité de survie, explique-t-elle en se questionnant sur ma capacité à comprendre la situation.

Mon orgueil ? Vraiment ? Si vous croyez que c'est une question d'orgueil, alors vous n'avez rien compris non plus. Je ne regrette pas d'être intervenu, de vous avoir défendue. Je ne devrais pas me mêler de votre vie, mais rester les bras croisés face à la violence, surtout quand elle touche une femme, ça non ! C'est contraire à mes principes, je lui annonce à mon tour pour qu'elle aussi comprenne ma motivation.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant