DIEGO
BELGIQUE, BRUXELLES
NOVEMBRE
Dès que Piera est installé sur mon canapé, je prends deux verres sur le comptoir et lui verse un whisky sans demander son avis.
Je m'éclipse momentanément et revient en tenue décontractée, le t-shirt moulant faisant ressortir chaque strie de muscle sous ma peau. Mon allure, impressionnante, me donne un air de fauve prêt à bondir.
Piera évite mon regard et s'envoie une lampée de whisky qui doit lui brûle la trachée vu sa grimace instantanée. Ce n'est pas du nectar, mais un feu pur, une dose nécessaire de courage pour tenir le coup et ne plus me regarder.
Je boot (1) mon PC et m'écrase dans le canapé. Nous plongeons tête première dans le boulot, moi avec ma rigueur de sniper, elle, avec son instinct qui vibre sur chaque détail suspect.
La connexion entre nous est électrique : je suis stratège sans faille, et Piera, au taquet comme jamais. Nous alignons les rapports pour Simonet en un rien de temps. Je claque le laptop(2), puis lâche un soupir, poids mort de ma journée fatigante.
Le silence qui nous berce vole en éclats quand Piera, voulant gratter au-delà de la façade du chef d'équipe, me lance un harpon.
─ Ta copine n'est pas là ce soir ? tâte-t-elle, curieuse.
─ Tu n'es pas au jus ? j'arque un sourcil, visiblement surpris. Tu zappes les ragots du bureau ou quoi ? je balance, choqué qu'elle ne soit pas au parfum de mon clash avec Emilie.
─ Tu parles des conneries sexistes que vous lâchez ? riposte-t-elle, avec un sourire qui a plus de dents que de chaleur. Pourquoi je me farcirais ça, juste pour entendre des vannes pourries sous prétexte que je porte une jupe ?
Sa réponse ouvre la boîte de Pandore, révélant les challenges, le quotidien d'une femme dans un monde d'hommes, autant au boulot que dans sa vie privée.
Quand je la cueille avec une question sur ses plans pour le week-end, elle revient dans le jeu. C'est à son tour de balancer des bribes de sa vie personnelle.
─ Enzo a pris la route avec la clique familiale. Ils ont mis les voiles vers leur maison de famille dans les Ardennes. Il a pété un câble que je reste à Bruxelles pour le travail, surtout pendant le congé de Toussaint. Depuis, il fait la tête, me reprochant de ne pas l'avoir suivi.
─ Je suis désolé que le boulot t'ait collé ici, lance-t-il avec une pointe de compassion. Ce job nous bouffe la vie à tous...
Je connais trop bien les sacrifices que je réclame à mon équipe pour leur mission commune. Piera hoche la tête, un sourire amer étirant ses lèvres.
─ Finalement, je n'étais pas très chaude pour y aller. La mère d'Enzo ne m'apprécie pas trop, si tu vois ce que je veux dire ?
─ Elle ne sait pas ce qu'elle perd.
─ Pour tout te dire, ça part en vrille entre lui et moi.
Elle fixe le vide. Son aveu plane dans l'air, dynamitant notre petit sanctuaire de calme. Elle se sent perdue devant la petite grenade qu'elle vient de lâcher sans en retirer la goupille. Saisissant le trouble évident sur son visage, je me rapproche avec une prudence mesurée.
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L'envol de la triskèle
Mistério / SuspenseJe rêve de m'envoler, de devenir aussi légère qu'une petite aigrette duveteuse de pissenlit... Mais, dans la réalité, je ne vis que dans le trou noir de mon existence..." C'est le cri silencieux que lance Giorgia, une jeune fille écrasée par l'intim...