Chapitre 27 : Pas cette pseudo-attaque

15 2 0
                                    

GIORGIA

BELGIQUE, NAMUR

NOVEMBRE

Le passage d'octobre à novembre s'est fait en douceur. Plus que huit mois. Huit long mois avant de tirer ma révérence scolaire et de dire adieu à cette vie. La dernière. Celle qui me délivrera de l'emprise de tous ces connards de première, qui font de moi leur punching-ball verbal et émotionnel.

Oh, j'adorerais leur lancer un bon et retentissant « Je vous emmerde ».

Leur cracher mon mépris, leur hurler ma rage à pleins poumons, déverser tout ce que j'ai sur le cœur. Leur signifier que je ne serais plus jamais leur souffre-douleur.

Qu'ils aillent tous pourrir en enfer.

Je me vois déjà le faire avec un sourire triomphant aux lèvres et un doigt d'honneur fièrement dressé.

Mais, au fond, je sais. Je me connais. Je manque de courage, pas sûre d'avoir le cran. Alors, je me contente de l'imaginer, de le rêver, de le murmurer à voix très basse quand personne n'écoute.

Peut-être que ça suffira à apaiser comme par magie la souffrance qui me ronge depuis si longtemps. Peut-être qu'elle s'évanouira, comme un mauvais souvenir qui se dissoudra dans le néant comme un cauchemar s'évapore au petit matin.

Et, que la souffrance partira.

Ou peut-être pas. Elle restera gravée en moi, une marque indélébile, un souvenir qui refuse d'être oublié. Ombre persistante même loin de ce collège de merde.

C'est dingue, vraiment, de douter à ce point. Ne pas discerner ce que demain me réserve. De ne pas avoir la capacité de me faire confiance. De me détester.

D'où me vient ce sentiment ? Je me le demande. Chaque jour est un combat pour survivre. Que ce soit cloîtrée entre les murs de l'école ou enfermée à la maison, où je me sens une coquille vide. Sans substance, en marge du monde. Plus rien ne suscite plus mon intérêt, ni la lecture, ni l'écriture, ni les conversations autour de moi, ni même la nourriture ou le rire.

Le rire ? Ce mot me semble étranger, lointain.

Fuir, voilà ce que le sommeil a choisi. Parce que l'horreur qui se terre à l'intérieur de la trappe hante mes nuits. Depuis que cette terrifiante chose a essayé de m'attirer dans les abysses de la charpente, je n'ai plus osé l'ouvrir pour récupérer la boîte.

La terreur me paralyse, à la simple idée d'affronter l'abomination qui s'y cache. En aucun cas, je n'ouvrirai cette trappe.

Je continue à perdre du poids. Les rondeurs de mon adolescence font doucement place à une silhouette plus angulaire, plus adulte. La balance, cette juge impitoyable, affiche désormais moins de 50 kilos. Je m'efface progressivement. Seul le bleu océan de mes yeux demeure, dévorant mon visage, comme pour me demander de réagir.

Mais, je reste muette, inerte, indifférente.

Ma peau, naturellement dorée, perd de son éclat. Mes cheveux, qui autrefois cascadaient en ondes soyeuses sur mon dos, ont perdu de leur vitalité. Ils ne brillent plus ; ils ne vivent plus.

Bref, je dépéris, et le monde en est témoin.

Ma mère, qui se croit experte en tout, me lance des piques sur mon prétendu désir de ressembler à ces images retouchées de mannequins anorexiques. Ces filles que l'on voyait défiler sur les podiums du temps de sa jeunesse, celles qui glorifiaient la maigreur extrême.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant