GIUSI
SICILE, ADRANO
FEVRIER
La nuit a été agitée, un sommeil fuyant et parsemé d'insomnies. L'aube pointe, et avec elle, l'espoir de solder cette dette, de me délester de ce fardeau financier.
Depuis ce jour noir où Michele m'a humilié devant cet homme, il n'a plus osé me maltraiter. La honte m'a engloutie, plus brûlante que la gifle, surtout sous le regard de cet homme. C'était une douleur qui transcendait la simple marque sur ma peau.
Mes larmes ont coulé quand il m'a annoncé qu'il ne reviendrait plus se faire coiffer. Pourquoi son absence me pèse-t-elle tant ? Pourquoi l'idée qu'il ne franchira plus le seuil de mon vieux salon de coiffure me serre-t-elle le cœur ? Ses visites mensuelles, juste le temps de tailler sa barbe et de rafraîchir sa coupe, éclairaient ma journée d'une joie secrète.
Je suis une femme mariée, et ces pensées déplacées ne devraient pas m'effleurer. Pourquoi mon cœur s'égare-t-il vers cet homme qui restera à jamais ce qu'il est : un fantasme.
Face à ces réflexions, un nœud se serre dans ma gorge, je secoue la tête, tentant de chasser ces idées douloureuses.
Je dévale les escaliers en catimini, évitant soigneusement de troubler le silence, et me dirige vers la cuisine pour préparer un café revigorant pour moi et mon mari. Chaque matin, c'est son petit rituel : il me demande de le réveiller et de lui apporter son café, chaud et fort. Depuis l'incident, je lui adresse la parole avec froideur, ne partageant que le nécessaire. Nos conversations, déjà sporadiques, sont devenues encore plus rares. Tout ce qui restait du peu de notre mariage s'est évaporé.
Il est encore là, plongé dans un sommeil profond, la bouteille d'alcool à moitié vide trônant sur la table de nuit, la couverture traînant négligemment à terre. Je lève les volets tout en douceur, pour ne pas le réveiller avec brusquerie, l'appelant doucement et ouvrant une des vitres de la porte-fenêtre pour laisser entrer un air frais, diluant les effluves alcoolisées qui stagnent dans l'atmosphère.
Je me penche vers lui, le secouant légèrement, remarquant son teint anormalement pâle, presque gris. Un frisson d'inquiétude me parcourt. Je touche sa main, la trouvant froide.
─ Michele ? je l'appelle, d'une anxiété croissante.
Je le secoue plus fort, l'appelant encore, alors que la réalité de la situation commence à s'imposer à moi, une réalité que je refuse d'accepter malgré tout.
Le souffle saccadé, je jette un regard alentour et mon attention se fixe sur la table de nuit, où la bouteille règne en maître, et le tiroir est un peu ouvert. Je le tire et ce que j'y trouve me saute aux yeux.
Deux enveloppes. L'une m'est destinée, l'autre à mon fils. La vérité me frappe de plein fouet.
Je déplie la lettre et commence à lire :
« Cara Giusi,
D'entrée de jeu, je dois te demander pardon pour ce que je t'ai fait subir ces dernières années. Je t'ai fait vivre l'enfer.
Pourtant, mon amour pour toi n'a jamais flanché, même si ça semble fou, venant de moi.
Je n'ai pas été le meilleur des maris. Je suis écœuré par ce que je suis devenu, incapable de nous maintenir à flot, te laissant assumer seule nos problèmes sans que jamais une plainte franchisse tes lèvres, forçant le respect et l'abnégation. Tu es tellement courageuse qu'on devrait t'ériger plus qu'une statue en or.
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L'envol de la triskèle
Mistério / SuspenseJe rêve de m'envoler, de devenir aussi légère qu'une petite aigrette duveteuse de pissenlit... Mais, dans la réalité, je ne vis que dans le trou noir de mon existence..." C'est le cri silencieux que lance Giorgia, une jeune fille écrasée par l'intim...