GIUSI
SICILE, ADRANO
MARS
Lorsqu'il me confie qu'il parlait au téléphone avec sa fille, mon cœur fond comme un glacier sous un soleil de plomb. Il est donc père aussi d'une fille qui vit dans un autre pays. Les pièces du puzzle s'assemblent : ses paroles douces, ce « ciatuzzu mio » chuchoté avec tant de tendresse, loin d'être trivial, vibrent d'une nouvelle émotion, peignant le portrait d'un amour de père.
Sur l'instant, un seul désir me domine. Celui de me rapprocher de lui, l'entourer de mes bras, pour un million de raisons. Il semble si égaré, probablement dévoré par l'anxiété pour sa progéniture. Après tout, n'irions-nous pas jusqu'au bout du monde pour nos enfants ?
Je choisis donc de ne pas le brusquer, d'éviter de rajouter et d'aggraver sa détresse. Je reprends mon labeur, discrètement, sans forcer.
Après avoir écrasé sa cigarette, il se dirige vers le réfrigérateur et l'ouvre, restant figé un moment devant le froid qui s'en dégage. Il en extrait des légumes et une belle pièce de viande rougeoyante qu'il pose sur son plan de travail avec un respect presque cérémonial.
─ Que diriez-vous de laisser tomber le repassage pour aujourd'hui et de vous aventurer à cuisiner à mes côtés ? me propose-t-il, en sortant un couteau de chef de son tiroir à ustensiles qui brille d'envie de trancher. J'ai la tête en vrac, j'ai besoin d'oublier mes préoccupations en cuisinant avec vous. Ça me ferait un bien fou.
─ Mon travail est de faire ce que vous jugerez le mieux, je réponds, prête à m'adapter.
─ Non, il s'agit aussi pour vous de profiter de l'instant. La cuisine vous passionne-t-elle ?
─ Oui, j'y prends goût, bien que je doute de pouvoir rivaliser avec vos talents culinaires, j'avoue modestement.
─ J'ai peut-être suivi un stage en Italie pour préparer l'ouverture de mon bar-trattoria, mais cela ne me qualifie pas pour autant de chef étoilé. Je suis convaincu que vous avez vos propres tours de main en cuisine. Comme pour le reste, vous allez sûrement me surprendre, affirme-t-il avec un sourire encourageant.
─ Mes plats sont simples, même si je suis curieuse à l'idée de nouvelles expériences culinaires.
Alors que je range la planche avec application, il s'emploie à replacer le linge repassé dans l'armoire de sa chambre avec une précision presque militaire, veillant à ce que ses chemises conservent leur netteté. Cet homme a-t-il une obsession pour l'ordre, je finirai par me le demander ? L'odeur rassurante du linge propre va se mêler à celle du repas qui s'annonce.
Il me tend un tablier éclatant de propreté, que je noue autour de ma taille, avant de me tourner vers lui, prête à découvrir ce que nous allons concocter.
─ Prête à l'action, je profère en lissant mon tablier et en m'approchant de lui. Je suis à votre entière disposition pour faire le commis ou même m'occuper de la vaisselle, si vous le souhaitez.
─ Oubliez le rôle de commis ou la corvée de vaisselle, répond-il avec un sourire encourageant, en me refilant un sac de légumes. Vous pouvez commencer par brosser ces cèpes, puis les faire tremper dans un bain d'eau tiède.
─ Bien sûr, j'accepte en prenant le pinceau de cuisine qu'il me tend.
En me consacrant à ma tâche, je jette un œil furtif sur lui, captivé par son aisance. C'est clair, il a ça dans le sang, la restauration n'a plus de secrets pour lui. Il s'attaque au gras de la viande avec précision, puis commence à la découper en morceaux parfaits, prêts à être transformés en un plat qui promet d'être un régal.
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L'envol de la triskèle
Mystery / ThrillerJe rêve de m'envoler, de devenir aussi légère qu'une petite aigrette duveteuse de pissenlit... Mais, dans la réalité, je ne vis que dans le trou noir de mon existence..." C'est le cri silencieux que lance Giorgia, une jeune fille écrasée par l'intim...