PIPPO
SICILE, ADRANO
MAI
Elle accueille ma remarque avec une forme d'offense, perceptible même sans qu'elle prononce le moindre mot. Il me faut démêler ce nœud, parce que dans le brouillard de mon esprit, rien n'est limpide. Elle esquive, glisse hors de portée d'une relation amoureuse, se réfugiant dans l'amitié alors qu'elle s'échappe de ma portée semaine après semaine, sans laisser entrevoir la possibilité de plus. Cependant, elle se soucie tout de même de ce que je pense d'elle, cherchant à séduire mon regard.
C'est que peut-être, elle n'est pas si indifférente qu'elle veut bien le laisser paraître. Son attitude est un puzzle que je ne parviens plus à assembler.
Dans le miroir de ses yeux, je surprends une étincelle fugace, un questionnement silencieux qui semble vouloir traverser le voile de sa réserve et me parler à cœur ouvert.
─ En fait, c'est simple : tu es nickel, tiré à quatre épingles, et moi, je me sens ordinaire, fatiguée, au bout du rouleau même. Je ne ressemble plus à grand-chose, complètement à la ramasse. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas sortir prendre un verre, c'est tout.
Elle porte le poids du monde sur ses épaules. Quatre semaines qu'elle m'évite, qu'elle se cantonne à une relation neutre, loin de cette journée qui nous a rapprochés puis éloignés si vite, suite à l'irruption de Carla. Elle a maigri, c'est flagrant sur son visage émacié. Mais, cela ne diminue en rien ce que je ressens pour elle. Je veux la rassurer, lui dire que même vêtue de la tenue la plus banale, même ayant perdu de ses formes, elle reste sublime et attirante à mes yeux. Elle balaye la pièce du regard, perdue dans l'embarras. La confusion se lit sur son visage.
─ Est-ce que ma réponse te satisfait ? demande-t-elle avec espoir.
─ Pas tout à fait, Giusi, je la corrige sans ambages.
─ ... Je ne peux rien te dire de plus.
─ T'inquiètes-tu à l'idée que je puisse te trouver moins attirante dans ta tenue d'aujourd'hui, ou refuses-tu de sortir parce que tu crains de ne pas être à la hauteur aux yeux du monde ?
─ N'est-ce pas la même chose ? se questionne-t-elle.
─ Non, pas exactement. La première éventualité serait que tu veux me plaire, la seconde que tu veux être présentable aux yeux des gens.
Elle s'éclipse vers la buanderie, ses gestes trahissant une colère contenue. Elle saisit la manne à linge avec une énergie frénétique et la ramène dans le salon, en extrayant une de mes chemises qu'elle jette sur la planche à repasser avec une vigueur qui en dit long sur son état d'esprit.
─ Mon intention était simplement de te faire plaisir, je confesse alors qu'elle revient.
─ Et à chaque fois, je finis par te décevoir.
─ Je voulais le faire parce que tu le mérites... peu importe ce que tu portes.
─ Alors, j'avais raison, je suis aussi peu soignée que je le craignais ? s'offusque-t-elle, un regard incertain se posant sur moi.
─ Non, ce n'est pas ce que je voulais dire...
Ma tentative de clarification se solde par une frustration encore plus manifeste. Je m'assois sur l'accoudoir du canapé, cherchant comment renverser la situation.
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L'envol de la triskèle
Mystery / ThrillerJe rêve de m'envoler, de devenir aussi légère qu'une petite aigrette duveteuse de pissenlit... Mais, dans la réalité, je ne vis que dans le trou noir de mon existence..." C'est le cri silencieux que lance Giorgia, une jeune fille écrasée par l'intim...