Chapitre 68 : Qu'elle l'accepte ou non

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DIEGO

BELGIQUE, Namur

JUIN

Elle laisse échapper son regret, ses yeux trahissant une sincérité brute lorsque Cassidy laisse transparaître de la contrition. Elle se frotte la nuque, cherchant désespérément les mots pour désamorcer la bombe de ses propres remords.

Pardon, lâche-t-elle, la voix rauque. J'ai dérapé avec mes commentaires qui ont gâché votre reconnaissance. C'est juste que... tout ça, c'est flippant, vous voyez ? L'inconnu me rend dingue.

Il hoche la tête, son calme olympien faisant écho au chaos de ses pensées.

On est humains, après tout, murmure-t-il avec un demi-sourire. Allez, vous nous faites un café pour vous faire pardonner ? Ça nous fera du bien. Et puis, je vais vous mettre dans le coup pour la suite des événements.

Ça marche, acquiesce-t-elle, en remplissant la cafetière d'une eau claire, avant d'accepter le paquet de café que Roland lui passe.

Les tasses fumantes devant nous, Piera plonge dans le dossier. Je fais doucement tourner ma tasse sur la table, son grondement doux alternant en cadence avec les sons qu'elle produit avec sa bouche.

Mon flegme légendaire est mis à rude épreuve, je sens aujourd'hui la colère bouillonner en moi, prête à éclater, même si mon visage reste aussi impassible qu'une statue. Le bruit des bulles éclatant entre les lèvres de Piera scie lentement, mais sûrement, ma patience.

Vous imaginez bien que Roland Cassidy n'est qu'un nom de guerre, non ? Pour des raisons évidentes de sécurité, c'est le seul nom que vous entendrez, comme je ne connaitrais de vous que celui de Mila Rosetti.

Une mesure de prudence, je suppose ? Au cas où on serait soumis à un interrogatoire musclé ? je devine.

Tout à fait, opine-t-il avec un rire demi-sourire, ses yeux pétillants la sondant.

Le grincement plus prononcé de ma tasse sur le bois verni de la table signale mon irritation grandissante. Je dévisage Cassidy avec intensité, peu disposé à apprécier son manège et la façon dont il la dévisage. Pour me distraire, je prends une gorgée de mon breuvage, fronçant les sourcils devant l'arôme fade du café qui ressemble à du jus de chaussette.

Si on passait au tutoiement, pour briser la glace, qu'en dis-tu ?

Aucun problème, répond-elle d'un hochement de tête.

Tu vas disséquer ce rapport, ligne par ligne, le mémoriser, jusqu'à ce qu'il devienne une extension de ta pensée, j'interviens, coupant court Roland et reprenant les rênes en tant que leader. La nuit est longue, tu as tout le temps qu'il te faut.

Elle relève lentement les yeux, et nos regards s'accrochent. Une bulle de chewing-gum naît, se gonfle d'audace, puis rend l'âme dans un claquement sec. Son sourire en coin est une révélation sans mots ; elle a lu dans mon jeu, elle sait que ma patience s'effrite. Elle se délecte de ce petit pouvoir, une revanche tacite pour l'isolement que je lui ai imposé.

Je me suis rabaissé à la supplier, mais elle est restée de glace, ses yeux aussi impénétrables qu'une forteresse. Dès le début, j'ai su qu'elle ne serait jamais tout à moi. Notre liaison, intense, mais cachée, n'a pas ébranlé sa détermination à rester avec l'autre connard, ni à poursuivre cette mission qui frôle la folie. Je ne peux me résoudre à n'être qu'un amant de l'ombre, un second rôle dans sa vie trépidante.

L'envol de la triskèleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant