GIORGIA
BELGIQUE, NAMUR
OCTOBRE
La situation est très délicate.
Mon plan de jouer les fantômes, de me fondre dans le décor vient de se vautrer dans toute sa splendeur. De la manière la plus spectaculaire qu'il soit. Gelée sur place, je dois faire un effort titanesque pour me retourner. Je le fais doucement, le ventre torturé par un nœud qui me dévore. En face de moi, Mme Baudouin, la directrice, la terreur des couloirs, me dévisage avec ses yeux qui pourraient transpercer l'acier. Elle reste plantée là, les bras croisés, comme si elle s'apprêtait à me vaporiser de l'acide sur place avec son regard atomique.
Je tente un sourire, qui ressemble plus à la grimace d'une personne qui voit sa fin arriver.
─ En retard encore une fois ? tranche-t-elle avec une voix qui assassine tout espoir de s'en sortir.
Mme Baudouin n'a pas besoin d'être grande pour foutre la trouille. Son aura seule suffit à te faire sentir une petite souris insignifiante devant un chat. Son expression dégouline d'exaspération et d'impatience. Elle ne me lâchera pas, c'est évident avec son petit sourire sarcastique qui me liquéfie.
Quant à son soupir...
Je suis dans une merde impossible. Ça va se corser de la pire des façons.
Je rassemble ce qui me reste de courage, même s'il s'est barré en courant, et j'essaie d'articuler une excuse qui tient la route.
─ Désolée, je... c'est juré, plus jamais, je balbutie, la voix serrée par un doute écrasant.
Mon hésitation est gigantesque, oppressante et visiblement, la directrice n'achète pas mon baratin.
Et, pour une bonne raison... Quand la vérité sera servie sur la table, vous capterez.
Je baisse la tête, me présentant comme l'élève repentie. Je me sens insignifiante, mais ça, ce n'est pas du cinéma. C'est sincère. Mes joues brûlent et sont en feu. Je voudrais me volatiliser pour échapper à cet instant de honte. J'espère simplement qu'elle sera indulgente.
En la suivant dans le bureau de Mme Leroy, l'éducatrice, mon cœur fait des loopings. Elle entre sans prévenir, opposant mon anxiété à sa désinvolture. L'éducatrice se redresse, nous observant. En me voyant, elle pousse un soupir discret, comme si elle murmurait : « encore toi ? »
Son bureau est calme pour le moment, hors du chaos du collège. Il est blindé de bouquins et de dossiers, témoignant de son engagement. Des photos d'enfants joyeux, probablement les siens, réchauffent l'espace. Je connais l'endroit par cœur, trop habituée aux convocs.
Oui, je le reconnais, ce n'est pas exemplaire. Je vous ai avoué plus tôt que je n'étais pas un modèle de perfection. Par ailleurs, qui peut se targuer de l'être ? Personne. Gérer ma vie de A à Z, c'est trop chaud.
Bref, passons.
La directrice, d'un doigt impérieux, me somme de m'asseoir en face d'elle, puis s'installe avec autorité. Elle ressemble à un caporal qui commande une troupe. Elle tend la main, et je comprends illico ce qu'elle attend.
C'est l'heure de vérité. Je plonge dans mon sac avec précipitation, les doigts agités et tremblotants, à la chasse de mon carnet de correspondance. Je suis tellement stressée que je galère à le trouver directement. Mon sac semble sans fond, un gouffre à la Mary Poppins, qui fourmille d'innombrables trésors cachés, un cataclysme où se dissimule mon embarras. Pour un peu on entendrait cette chanson, véritable tourbillon de syllabes et de rythme, chanté par Mary et Bert lors de leur excursion dans le monde animé des trottoirs de Londres.
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L'envol de la triskèle
Mistério / SuspenseJe rêve de m'envoler, de devenir aussi légère qu'une petite aigrette duveteuse de pissenlit... Mais, dans la réalité, je ne vis que dans le trou noir de mon existence..." C'est le cri silencieux que lance Giorgia, une jeune fille écrasée par l'intim...