Chapitre 36.

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Philesta s'agrippa de toutes ses forces à la paroi rocheuse les bras tremblants et le front perlant de sueur. Plutôt que l'effort intense que demandait la descente de l'Ercona, c'était plutôt un mauvais présentiment, une inquiétude sourde et tenace qui la mettait dans tous ces états.

Elle se rendait compte au fur et à mesure qu'elle approchait de la ville qu'Elyrian et elle se bernaient d'illusion en croyant pouvoir avoir une longueur d'avance sur l'Illusion.

Même si les Gratsans acceptaient de coopérer, cela ne leur ferait qu'une petite armée d'un millier de personne et cela ne faisait clairement pas le poids face à l'Illusion.

L'IA n'était pas seule, elle n'avait pas juste les drones, les murs d'illusions et les lampadaires/arbres lasers, elle avait aussi et surtout tous les humains qui avaient une puce, laquelle mise en « mode guerre » manipulerait tous les pauvres gens du « monde moderne » qui se transformeraient alors en machine à tuer.

La jeune femme regarda le sol se rapprocher de plus en plus de ses pieds le souffle court. Ils étaient bel et bien impuissant.

Enfin, à quelques mètres du sol, les nuages se dissipèrent et la ville apparut devant leurs yeux toujours aussi lumineuse et impressionnante que lorsqu'elle l'avait quittée.

Le chef Gratsans s'arrêta soudain dans sa descente comme hypnotisé par les grattes ciels immenses et étincelants face à lui et les drones qu'on pouvait apercevoir de loin se déplacer dans le ciel azur.

Philesta frissonna et dit :

— Il serait préférable qu'on ne descende pas plus.

Le souvenir de son séjour dans le laboratoire de l'Illusion la glaçait d'effroi.

Devant le silence du chef, la jeune femme leva la tête et vit avec stupéfaction les iris de l'homme passer du marron foncé presque noir à un marron noisette en une fraction de seconde.

Il regarda autour de lui dans un mouvement de tête affolé et s'écria brusquement en posant son regard sur la jeune femme :

— Je me rappelle de tout ! Vous aviez raison ! Il faut tous les prévenir, nous sommes en danger !

Philesta fronça les sourcils et regarda la ville devant elle avant d'écarquiller les yeux.

L'Illusion n'avait aucun intérêt à faire recouvrir la mémoire au chef des Gratsans, ce qui signifiait qu'une chose : c'était la vue de la ville qui déclenchait les souvenirs.

Elle dit subitement :

— C'est donc pour ça..., elle se tourna vers le chef, ils pourront vous croire parce que vous être leur chef mais ils ne retrouveront la mémoire que s'ils voient de leur propre yeux la ville, c'est ce qui a déclenché vos souvenirs.

L'homme réfléchit un instant puis sourit soudain et sortit un objet rectangulaire bien reconnaissable de son sac et le tendit à la jeune femme en disant :

— J'ai pris l'habitude avec la personnalité que m'a inculqué l'Illusion de prendre tout ce que je trouve et qui me semblerait utile. J'ai donc trouvé cela hier dans la petite grotte dans laquelle nous avons passé la nuit et je l'ai pris avec moi et... il semblerait que j'ai bien fait.

Philesta prit l'objet dans ses mains et répondit :

— Oui vous avez très bien fait, elle leva la tête en souriant à son tour, c'est le téléphone d'Elyrian, elle le lui rendit, je ne sais pas m'en servir mais je pense que vous saurez capturer l'image de la ville grâce à vos souvenirs.

Le chef des Gratsans acquiesça en disant :

— Oui je pense savoir comment faire.

Il se tint d'une main à la paroi rocheuse de l'Ercona et de l'autre brandit le téléphone face à la ville et la prit en photo puis il rangea soigneusement l'objet dans son sac en disant :

— Nous devrions nous mettre en route, le soleil ne va pas tarder à se coucher et il me tarde de rendre la mémoire à mes chers « Gratsans ».

Philesta acquiesça en souriant et ils se retournèrent pour cette fois escalader l'Ercona.

La jeune femme vit la ville disparaître peu à peu sous les nuages en soupirant de soulagement.

Elle leva la tête et regarda le chef s'agripper aux pierres.

Pourquoi avait-il retrouvé la mémoire sans que l'Illusion ne le permette contrairement à Elyrian ?

Serait-ce une anomalie de l'IA ? Après tout elle n'était pas parfaite, ses circuits électriques et ses algorithmes pouvaient ne pas fonctionner parfaitement. Il n'était donc pas impossible d'envisager qu'elle se trompe et qu'elle ne puisse pas tout contrôler comme elle le pensait, ceci en était la preuve.

Une once d'espoir s'immisça dans le cœur de Philesta comme une brise revigorante et un sourire se dessina imperceptiblement sur ses lèvres.

Peut-être que ce qu'elle avait fait pour leur faire perdre la mémoire comportait des imperfections ce qui expliquerait que le chef des Gratsans retrouve ses souvenirs à la simple vue de la ville et... ces imperfections pourraient peut-être lui permettre à elle de retrouver enfin sa mémoire sans attendre que l'Illusion la lui rende car ce moment n'arriverait sans doute jamais.

Elle se racla la gorge et demanda au chef :

— Comment avons-nous tous perdu la mémoire ?

L'homme s'arrêta dans son ascension pour répondre :

— Nous n'avons pas perdu la mémoire à cause d'une puce comme celle incrustée dans le cou de la famille d'Elyrian mais à cause d'une plante génétiquement modifiée par l'IA qu'elle nous a forcé à manger en la présentant comme étant remplie de vitamines qui nous permettraient de résister aux maladies qu'on pourrait attraper dans son « expérience sociale », il se tourna, mais ne le savez-vous pas, je croyais que vous aviez retrouvé la mémoire ?

Philesta secoua lentement la tête en répondant :

— Non, pas encore...

Elle serra fébrilement la corde qui la reliait au chef des Gratsans. Si c'était une plante et non une machine qui avait été utilisé pour lui faire perdre la mémoire alors il suffisait de trouver une sorte... d'antidote ?

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