Chapitre 68.

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Katislab s'enfonça dans son siège et fit un mouvement désintéressé de la main en disant :

— Cela ne sert à rien, Lucy amène la dans le dortoir avec les autres qui s'entrainent en bas.

La femme masqué acquiesça et ouvrit la porte. Philesta tourna la tête vers son père.

Il avait replacé son masque de jais sur son visage et la jeune femme ne put voir son expression.

Était-il déçu ? Elle ne s'était sans doute pas montrée à la hauteur de ses attentes...

Elle suivit le bras droit de son père et descendit silencieusement l'escalier de pierre.

Elles entrèrent dans la salle Electria et le professeur se leva aussitôt qu'il les vit. Ils rejoignirent enfin la salle d'entrainement.

Aliénor était derrière Elyrian et de ses mains graciles lui faisait faire des mouvements dans l'air. Le jeune homme tourna la tête vers la jolie brune et son visage se fendit d'un sourire.

Philesta sentit son cœur se serrer. Ils étaient si proche...

Elle détourna le regard. Lucy appela Aliénor qui aussitôt les rejoignit avec le jeune homme.

Elyrian et la jolie brune discutaient gaiement et passèrent à côté d'elle sans même la remarquer.

Le bras droit de son père les conduisit jusqu'à un couloir avec à sa droite une porte en bois sur laquelle était gravée en lettre d'or : femmes, et à sa gauche la même porte mais pour les hommes.

La jeune femme n'attendit pas que Lucy ne leur désigne leur dortoir respectif pour s'engouffrer dans celui des femmes en bredouillant :

— Je suis fatiguée...

Dans la pièce, parfaitement aligné, se trouvait une dizaine de lits superposés en bois.

Elle en choisit un, tout au fond et monta à l'échelle pour atteindre le lit du haut.

De son perchoir, elle avait la sensation d'être en sécurité et de maîtriser la situation mais, elle le savait, c'était illusoire.

Elle ferma les yeux. Tout se bousculait dans sa tête.

La bataille finale, Aliénor, son père et Elyrian. Rien ne se passait comme prévu...

Une sensation douloureuse étreignit soudain son ventre. Elle ouvrit brusquement les yeux le souffle court et sa main se crispa sur son estomac.

Elle avait faim...

Elle se mordit les lèvres. Ce n'était pas le moment, elle ne voulait pas redescendre de son perchoir, reconnecter avec cette réalité qu'elle ne reconnaissait pas et demander à cette femme, Lucy, quelque chose à manger.

Non, elle ne pouvait pas faire cela, elle était trop fatiguée...

Philesta laissa tomber sa tête sur l'oreiller derrière elle. Au même moment Aliénor rentra dans la pièce dans un éclat de rire et la jeune femme reconnu la voix d'Elyrian à travers la porte entrouverte, qui lui parlait, qui lui disait des choses qu'elle n'entendait pas.

La jolie brune ferma finalement la porte et alluma la lumière inondant brusquement le dortoir d'une forte lumière, trop lumineuse pour les yeux fatigués de Philesta.

La jeune femme se redressa et regarda Aliénor brosser ses longs cheveux bruns et soyeux comme du satin.

Elle repensa à la scène qu'elle avait vu quelques minutes plus tôt. Pourquoi montrait elle les mouvements de combat à Elyrian en étant si proche de lui ? Était-ce vraiment nécessaire ? Lucy ne l'avait touchée que dans le cœur du combat lui-même.

Philesta reposa sa tête sur son oreiller. Après tout cela n'avait pas eu l'air de déranger le jeune homme...

La porte du dortoir s'ouvrit de nouveau et une dizaine de femmes entrèrent bruyamment.

Après quelques minutes, le silence se fit dans la pièce.

La jeune femme ferma la yeux et tenta de ne plus penser à rien, de se laisser aller dans la douceur de l'illusion que sont les rêves. Elle pouvait les former selon son envie, elle pouvait changer la réalité et c'était son seul échappatoire depuis quelques années.

Mais elle n'arrivait pas à dormir. Une douleur sourde grondait dans son ventre et menaçait d'émerger plus puissamment à tout moment.

Elle entendit soudain la porte s'ouvrir doucement et une ombre se faufiler dans le dortoir silencieusement.

Après quelques secondes, lorsque ses yeux furent habitués à la pénombre, Philesta reconnu Lucy.

La femme s'assit sur le lit juste en dessous du sien. La jeune femme se pencha légèrement, le plus discrètement possible.

Le bras droit de son père enleva lentement le masque qui couvrait ses traits et le posa à côté d'elle en soupirant.

Philesta ne distinguait que le haut de sa tête couvert de cheveux roux foncé. Elle ne pouvait se pencher plus de peur de basculer vers l'avant et dû se résigner à ne pas voir son visage.

Qu'avait-elle donc à cacher ? Pourquoi masquer ses traits ?

Elle s'allongea de nouveau et ferma les yeux. Elle entendit Lucy en dessous d'elle s'étendre sur son lit silencieusement.

Elle se rappelait encore le regard de son père, elle avait perçu une lueur d'admiration dans ses yeux gris, pour Lucy...

La jeune femme serra ses doigts sur son oreiller derrière elle.

Lucy, la femme masquée, le bras droit, mystérieuse et forte, elle avait tout pour elle et surtout tout ce qui importait désormais pour Katislab.

Elle était plus utile, plus expérimentée qu'elle et semblait avoir une place inégalable dans l'estime de son père.

Qu'avait-elle à apporter de plus à son père dans sa quête de vengeance ? Il ne la considérait certainement pas comme un atout. Elle se rappelait encore ses mots « Cela ne sert à rien... » brusques et d'une simplicité glaçante.

L'évaluation avait eu lieu et s'était soldée par un échec. Elle ne servait à rien ou plutôt elle ne lui servait à rien...

Philesta sentit une larme brûlante quitter sa paupière et rouler sur sa joue silencieusement.

En somme, Lucy ne l'avait-elle pas... remplacée ?

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