Deux coups discrets sur la porte d'entrée de sa maison réveillèrent Philesta. Elle se tourna vers sa mère qui dormait à poings fermés et soupira. Elle lança un regard à la veille horloge de leur chambre et vit qu'il était trois heure du matin.
Le cœur battant elle se leva sans bruit pour ne pas réveiller sa mère et s'habilla en silence.
A cette heure-là ce devait être soit un accouchement soit une vieille personne très mal au point et comme minuit était passé, elle était maintenant la nouvelle guérisseuse et c'était à elle de les aider.
La jeune femme sursauta quand deux autres coups plus forts se firent entendre contre la lourde porte de bois.
Elle attrapa la grosse clé de fer forgé et l'introduisit fébrilement dans la serrure les mains tremblantes. Elle ne savait pas si elle arriverait à soigner la personne qui attendait derrière la porte comme l'aurait fait sa mère.
Philesta inspira puis ouvrit brusquement la porte.
Un homme aux cheveux d'ébène portant des habits sombres attendait dos à la porte.
La jeune femme fronça les sourcils perplexe et franchit le pas de sa porte, aussitôt l'homme se retourna et l'emporta en maintenant fermement une main sur sa bouche.
Philesta écarquilla les yeux de terreur et compris trop tard qu'elle aurait dû rester à l'intérieur de sa maison protégée par le sort des guérisseuses.
La jeune femme les membres glacés d'effroi se dit qu'elle venait par sa naïveté de condamner tout son peuple, pour toujours.
L'homme s'arrêta finalement à l'entrée de la ville et fit signe à un autre homme qui se tenait tapis dans l'ombre.
Soudain un long et sinistre sifflement se fit entendre. C'était le signal.
Aussitôt, une armée constituée de milliers d'hommes du peuple des Gratsans ainsi que de terrifiants et immenses gratsans s'engouffrèrent dans la ville ravageant tout sur leur passage.
Ils égorgèrent les femmes et les enfants et brulèrent les maisons.
L'armée Katharos arriva pour défendre les villageois mais trop peu entrainée à cause de ces dix années de paix tacite elle fut rapidement maîtrisée par l'armée ennemie.
Philesta impuissante fixait la porte de sa maison en espérant que sa mère n'en sorte pas, mais malheureusement, sans doute alarmée par l'absence de sa fille, l'ancienne guérisseuse sortit de chez elle pour tenter de trouver Philesta et fut immédiatement exécutée.
La jeune femme sentit ses jambes flancher. Son cœur ralentit dans sa poitrine.
Philesta tourna la tête vers la gauche et vit, impuissante, Azaëlle au loin courir pour échapper à son ravisseur puis tomber et se faire poignarder.
Son cœur se déchira dans sa poitrine.
La jeune femme sentit la pression de la main de l'homme se relâcher légèrement et elle leva le regard vers lui.
Elle vit deux yeux bleu foncé qui se tournèrent aussitôt vers elle et la pression sur sa bouche se fit plus forte.
Ses yeux s'emplirent de larmes, elle avait un instant oublié sa position tant l'horreur qui se produisait devant elle l'avait bouleversée.
Pourquoi avait-il pris soin de l'éloigner avant que le massacre ne commence ?
Elle avait l'impression de vivre un cauchemar. Elle sourit nerveusement, tout cela ne pouvait pas être réel.
Elle aurait préféré mourir avec sa mère plutôt que d'assister à la défaite sanglante de son peuple en témoin parfaitement impuissant, elle avait l'impression d'être du côté des assassins et cela lui était insupportable.
Tout à coup un long sifflement se fit entendre. L'armée des Gratsans après avoir anéantis son ennemi de longue date, se retira sous le soleil levant laissant derrière lui un champ de corps sans vie.
Philesta marcha tant bien que mal tirée par son ravisseur la tête tournée vers les décombres de ce qui faisait toute sa vie.
De loin elle pouvait encore voir la fumée noirâtre des maisons brûlées s'élever dans le ciel en formant un épais nuage macabre.
Elle espérait de tout son cœur que quelques personnes de son peuple avait pu survivre comme elle au massacre en se trouvant en dehors de la ville à l'heure où il ne fallait pas y être.
Elle ne voulait pas croire à l'anéantissement et à la défaite définitive des Katharos et pourtant pour rien au monde elle ne voulait remettre les pieds dans la ville après le massacre qui venait de s'y produire.
Elle avait perdu tous ceux qu'elle aimait, plus rien ne l'attachait désormais à cet endroit maudit.
Une larme amère coula sur sa joue rosit par le froid de la montagne et elle tourna la tête pour regarder devant elle.
L'homme qui la tirait par le bras s'arrêta soudain et sortit une corde de son sac qu'il enroula autour des deux poignets de la jeune femme. Il fit un nœud en laissant un large bout dépasser qu'il prit à l'extrémité comme pour être le plus éloigné possible de Philesta puis il la tira brusquement vers l'avant pour lui faire comprendre d'avancer.
L'armée devant avait plusieurs mètres d'avance sur eux, l'homme soupira et se mit à courir forçant la jeune femme à suivre son rythme.
Philesta trébucha plusieurs fois mais mit un point d'honneur à ne pas tomber et elle y parvint tant bien que mal avec ses jambes tremblantes.
Ils rejoignirent assez rapidement le reste des Gratsans et l'homme ralentit ce qui permit à la jeune femme extenuée de reprendre son souffle.
Plusieurs heures plus tard, ils arrivèrent dans le peuple des Gratsans.
Les villageois les acclamèrent en leur lançant des gerbes de fleurs et en criant « victoire ».
Philesta regarda autour d'elle, la ville ressemblait presque en tout point à celle qu'elle avait laissé derrière elle.
Soudain, une femme lui lança une pierre. La jeune femme tomba au sol sous les rires des villageois et se releva aussitôt en essayant de paraître la plus digne possible.
L'homme qui la tirait s'interposa et pour la première fois Philesta entendit le son de sa voix. Il dit d'un ton ferme :
- Arrêtez, elle doit rester en vie pour l'instant.
La jeune femme qui ne voulait pas essayer de comprendre le sens de ses paroles se concentra sur sa voix qu'elle trouva jeune, étonnamment jeune. Il devait avoir à peu près son âge ce qui était plutôt surprenant étant donné sa tenue entièrement noir réservée normalement aux soldats d'un certain grade.
L'homme qui parlait aux villageois se tourna brusquement vers Philesta et lui dit en la tirant:
- Tu vas rencontrer notre chef, montre-lui tout le respect dont tu es capable.
La jeune femme ne répondit rien, il était évident qu'elle n'avait pas même une once de respect pour un homme qui avait commandité le génocide de son peuple. Cependant l'homme qui la tirait attendait sa réponse, elle desserra alors difficilement ses lèvres et souffla, le regard empli de haine :
- J'essayerai...

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Illusion
ParanormaleDepuis des siècles, deux peuples, les Katharos, détenteurs du pouvoir de guérison, et le puissant peuple des Gratsans se déchirent dans une guerre sanglante. Suite à de terribles circonstances, Philesta, une jeune guérisseuse Katharos, est capturée...