Chapitre 5.

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Philesta les mains agrippées sur le tissu grisâtre qui cachait sa longue chevelure blanche, s'arrêta devant le dernier bâtiment qu'elle n'avait pas visité et le dernier endroit où pouvait se trouvait Elyrian : l'auberge du tonneau.

Elle poussa la porte de bois et le serveur, un homme au ventre proéminent et à la moustache broussailleuse, lui demanda d'une voix goguenarde :

— Qu'est-ce que j'vous sers ? Une bière ou un whisky?

Philesta se racla la gorge et répondit tout en baissant la tête pour cacher ses traits :

— Rien de tout cela, je vous remercie, je suis seulement venue rejoindre quelqu'un.

L'homme rit grassement et lui fit signe d'avancer de sa grosse main.

La jeune femme ne se fit pas attendre et avança rapidement jusqu'à la table qu'elle avait remarquée dès son entrée dans l'auberge, tout au fond, près des fenêtres aux carreaux sales.

Un homme aux yeux bleu foncé buvait tout en fixant un point invisible devant lui, perdu dans ses pensées.

Philesta s'approcha et s'assit face à lui le sortant de sa rêverie.

Il fronça les sourcils et lui demanda sèchement :

— Que fais-tu là ?

La jeune femme plongea son regard dans le sien pour capter toute son attention et lui dit d'une voix ferme :

— J'ai la solution que vous cherchez désespérément dans vos verres de bières. Une solution qui vous permettra de rester en vie tout en ne désobéissant pas à votre engagement militaire.

Philesta vit les doigts du jeune homme se crisper sur son verre mais elle ne détacha pas son regard du sien et haussa les sourcils pour l'enjoindre à répondre.

Elyrian se mit à rire d'un rire méprisant et dit finalement en buvant :

— Dit toujours ça m'intéresse.

La jeune femme croisa ses mains sur la table et répondit calmement :

— Je sais que ça vous intéresse car vous cherchez une solution depuis une semaine et vous n'en avez pas encore trouvé mais je ne vous la donnerai pas comme ça. Faisons un marché.

Le jeune homme posa son verre bruyamment et dit :

— Ah c'est donc ça ! Tu veux marchander. Tu ne te surestime pas un peu trop non ?

Philesta ne cilla pas et ramenant ses mains à elle comme pour arrêter la conversation, répondit :

— Faisons-le alors. Concevons un enfant ensemble. De toute façon je mourrais, pour moi peu m'importe.

Elyrian la regarda durement et répondit finalement :

— Tu es une Katharos et je suis un Gratsans, nous sommes ennemis depuis des siècles, ce mariage est déjà un affront qui m'est fait, qu'on me demande d'aller plus loin est inacceptable. Je ne le ferai pas.

Le jeune femme posa de nouveau ses mains sur la table et lui demanda en le fixant :

— Alors ? Vous voulez passer ce marché avec moi oui ou non ?

Le jeune homme fit tourner son verre sur la table puis au bout de quelques secondes il leva les yeux et répondit :

— D'accord, passons un marché.

Philesta esquissa un sourire imperceptible et dit :

— Promettez-moi de faire l'unique chose que je vous demanderai et je vous donnerai la solution.

Elyrian serra ses doigts entre eux et dit :

— Tu sais que les soldats Gratsans n'ont qu'une seule parole ?

La jeune femme acquiesça et répondit :

— C'est pour cela que je vous devez promettre, c'est votre part du marché.

Le jeune homme soupira et dit finalement :

— Je te promet, maintenant donne-moi ta solution miracle et tu as intérêt à ne pas t'être moquée de moi.

Philesta se racla la gorge et répondit :

— Etes-vous capable de fuir ? Parce que c'est ma solution. Votre peuple cependant n'en saura rien, il pensera que vous êtes mort en essayant de m'empêcher de fuir. Vous serez un parfait héros. Voilà comment nous allons procéder, cette nuit vous allez vous blesser, avec une pierre ou une arme que j'aurai pu avoir en ma possession, sur le ventre à un endroit précis qui ne vous causera pas de séquelles mais qui visuellement semblera mortel. Je ralentirai, avec mon don de guérison, votre pouls suffisamment pour qu'on ne puisse pas le prendre, cela vous rendra pâle également. Vous serez comme mort. Je partirai alors me cacher dans notre maison et au bout d'un certain temps lorsque vous verrez de la lumière à la fenêtre, ce sera le signal, vous hurlerez et alors tout le monde sera alerté. Avant de faire semblant de mourir vous expliquerez la raison de votre état et votre honneur sera sauf. Après cela vous serez mis en bière et enterré. Quand tout le monde sera partit je vous déterrerai, personne ne surveillera la ville, tout le monde pensera que je serai partis dehors et donc personne ne se doutera une seconde que je serai encore là, ensuite je vous remettrait en état avec mon don de guérison et vous n'aurez aucune séquelle. Nous partirons ensuite et voilà ce que je vous ai fait promettre, ne m'abandonnez pas, aidez-moi à fuir car c'est à ce moment que j'aurai besoin de vous. Avant de sortir de la ville les gratsans qui surveillent l'entrée reconnaitront les odeurs intrus mais accepteront tout si c'est un Gratsans qui le leur ordonne. Ordonnez-leur de me laisser passer et après nous fuirons ensemble. La suite, nous y réfléchirons plus tard.

Elyrian qui avait écouté attentivement tout le plan de Philesta plissa les yeux et dit sans une once de moquerie :

— Ton plan est étonnamment très complet et détaillé.

La jeune femme dit le cœur battant :

— Nous devrions commencer à nous préparer, la nuit ne va pas tarder à tomber.

Le jeune homme serra son verre entre ses deux mains et dit :

— Mais ta fuite va causer du tort à mon peuple et cela n'est-il pas désobéir à mon engagement militaire que de contribuer à ta disparition ?

Philesta se leva et répondit en posant une main sur la table :

— De toute façon comme vous n'obéirez pas à l'ordre de votre chef vous allez désobéir à votre engagement militaire, la question n'est donc plus d'obéir ou pas à votre engagement mais comment faire croire aux autres que vous avez obéit jusqu'à votre mort à votre engagement militaire, vous ne croyez pas ?

Elyrian ne répondit rien et se leva à son tour en la fixant un léger sourire flottant sur ses lèvres.

Le plan de la jeune femme lui plaisait bien, il allait cesser d'être un simple pion obéissant parmi tant d'autre sur l'échiquier de son chef et il allait enfin prendre sa liberté.

Philesta replaça le tissu grisâtre sur ses cheveux et ajouta :

— Et puis vous ne pouvez plus revenir en arrière à présent, vous avez promis.

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