Illusion

Chapitre 10.

Elyrian la regarda quelques instants et répondit finalement:

— Pose-moi des questions sur le monde moderne.

La jeune femme rentra ses mains dans ses poches et murmura :

— Pourquoi tu ne veux pas répondre...

Elyrian se racla la gorge et dit :

— Là-bas, cet engin à deux roues c'est une trottinette électrique, ce haut bâtiment lumineux c'est un immeuble qui peut accueillir plusieurs centaines de personnes, à ta droite c'est un restaurant japonais, c'est comme une auberge mais la nourriture vient d'un autre pays.

Philesta acquiesça et demanda :

— Qu'est-ce que c'est un pays ?

Le jeune homme sourit et répondit :

— L'endroit dans lequel nous nous trouvons actuellement est un pays et il y en existe plein d'autres sur Terre. C'est comme différents peuples mais parlant différentes langues.

Puis il se tourna vers un marchand ambulant qui vendait de la nourriture que Philesta n'arriva pas à identifier et il lui dit :

— Deux glaces au chocolat s'il vous plait.

Il en tendit une à la jeune femme et croqua dans l'autre en souriant.

Philesta regarda la glace qui commençait à fondre sur ses doigts puis elle leva les yeux vers Elyrian et sourit légèrement.

Elle porta la glace à sa bouche et haussa les sourcils. La glace avait le même goût qu'une pâtisserie que préparait sa mère pour ses amis d'enfance et elle même lorsqu'ils étaient enfants. Son cœur se serra légèrement. Cela lui rappelait de tellement bons souvenirs.

Elle sourit et posa sa main sur le bras d'Elyrian et allait le remercier mais elle le vit se crisper à son contact et il repoussa sa main un peu brusquement.

Philesta perdit son sourire et fronça les sourcils.

Le jeune homme tourna la tête vers elle et dit naturellement comme s'il ne s'était rien passé :

— J'ai un réseau d'amis ici qui nous hébergerons tour à tour afin de nous garder cachés. Le premier se trouve dans la maison au bout de la rue.

Puis après avoir dit ces mots Elyrian avança à pas rapides jusqu'à l'endroit désigné.

La jeune femme le suivit en silence. Pourquoi l'avait-il repoussé ?

Le jeune homme toqua deux coups discrets à la porte et un homme ouvrit la maison et ouvrit de grands yeux étonnés à la vue d'Elyrian. Il s'exclama :

— Ca fait quoi trois, quatre ans ? Mec soit le bienvenu ! Viens allons discuter dans le salon pendant que ma femme montre sa chambre à la jolie demoiselle.

La femme de l'homme attrapa Philesta par les épaules et tout en souriant l'amena jusqu'à une chambre à l'étage puis elle lui dit :

— Je peux vous tutoyer ?

Philesta acquiesça. La femme continua :

— Super ! Tu peux me tutoyer aussi. Repose-toi un peu dans ta chambre, je t'appellerai pour le dîner, ah et si tu veux te laver, elle désigna une porte près d'une armoire, il y a une douche ici.

La jeune femme sourit et répondit après un instant d'hésitation :

— Merci de nous accueillir...et... est ce que tu peux répondre à ma question ? La personne qui cherche à nous nuire, qui est-ce exactement ?

La femme fronça les sourcils et répondit aussitôt :

— Tu devrais demander à Elyrian. Bon je descends, appelle-moi si tu as besoin de quoi que ce soit.

Philesta s'assit sur le lit et croisa ses bras autour de ses jambes repliées puis elle posa sa tête sur ses genoux.

Elle ferma les yeux et soupira. Elle se doutait que la femme ne lui dirait rien, après tout le couple n'était pas amis avec Elyrian pour rien.

Le jeune homme lui cachait de nombreuses choses et elle ne savait jamais ce qu'il pensait mais elle avait pourtant le sentiment qu'elle pouvait lui faire confiance.

Elle n'arrivait plus à le détester et elle en était finalement venue à l'apprécier cependant elle n'était pas certaine que ce soit le cas d'Elyrian.

Philesta ouvrit les yeux et se redressa.

Elle se leva et s'aperçu dans un grand psyché face à elle qu'elle n'avait pas remarqué en s'asseyant.

La jeune femme fronça les sourcils et sa gorge se noua. Dans son propre reflet le visage de sa mère se superposa. Elle cligna des yeux et détourna brusquement la tête le souffle court.

Elle défit rageusement la natte que sa mère avait tressé soigneusement il y avait plusieurs semaines maintenant et entra dans la salle de bain.

Elle enleva ses habits et après avoir compris comment faire fonctionner la douche, entra dedans et laissa couler l'eau chaude sur sa peau en fermant les yeux.

Sans qu'elle ne s'en rende compte des larmes salées se mêlèrent à l'eau brûlante puis son menton se mit à trembler et elle éclata en sanglot.

Elle eut l'impression qu'un digue s'effondrait à l'intérieur d'elle. Elle était bouleversée.

Elle voulait que cette eau qui partait avec la saleté qui collait à sa peau parte également avec la douleur immense qui meurtrissait son cœur.

Elle voulait tout oublier et repartir de zéro en sortant de cette petite cabine de verre.

Elle voulait revenir à cette époque qui s'était arrêté si brusquement, à cette époque paisible, où tout était simple, logique et bien orchestré.

Elle serait devenue guérisseuse, elle se serait mariée avec Konstan et aurait eu une fille qui aurait été la prochaine guérisseuse. Ils auraient élevé leur fille avec amour et Azaëlle aurait été comme une tante pour elle très présente et la couvrant de cadeaux. Sa grand-mère lui aurait raconté de nombreuses histoires passionnantes comme elle savait si bien le faire et elle aurait grandie entourée de toutes ses personnes aimantes et assurée de la protection du peuple Katharos. Philesta lui aurait transmis son savoir comme sa mère et sa grand-mère avant elle et la lignée des guérisseuses se serait perpétuée simplement, logiquement.

Philesta s'accroupit dans la douche en enserrant sa tête dans ses mains comme pour retenir ses pensées qui ne se produiront jamais.

Elle se leva finalement épuisée de pleurer et vit de nouveau son reflet dans le pommeau de douche et le visage de sa mère ne se superposa pas au sien.

La jeune femme prit une grande inspiration et sortit de la cabine de verre.