Chapitre 37.

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Philesta se pencha vers l'avant pour reprendre son souffle et regarda Guntar, le chef des Gratsans avancer d'un pas rapide jusqu'à l'entrée de sa ville, en frissonnant.

Son mauvais pressentiment n'avait pas disparu.

Elle se redressa et trottina pour le rejoindre. Ils s'arrêtèrent devant l'imposante porte et Guntar sourit légèrement en criant le mot de passe que les Gratsans étaient seuls à connaitre.

La lourde porte s'ouvrit aussitôt découvrant à leurs yeux un terrible spectacle.

Guntar s'avança lentement et ses subordonnés l'entourèrent pour lui expliquer ce qu'il voyait.

Philesta choquée entendit un homme dire :

— Ils nous ont trahis! Elyrian nous a mentis ! Sa mère et ses sœurs après votre départ sont devenues tout à coup extrêmement violentes, elles étaient comme enragées et ont tué plusieurs de nos soldats ! Elles ont même réussi à brûler quelqu'une de nos maisons ! Nous... nous avons donc pris la liberté de les tuer pour les arrêter.

La jeune femme sentit sa vue se brouiller, tout sembla tourner autour d'elle. Elle tituba et enserra sa tête entre ses mains tout en tentant de réguler sa respiration. Des flashs du massacre de son peuple resurgirent comme des couteaux dans son cerveau et des détails qu'elle croyait avoir bien enfoui au fond de sa mémoire refirent surface violemment, brusquement.

Elle fut prise de vertige et se retint à l'immense embrasure de l'entrée de la ville pour ne pas s'écrouler au sol.

Devant elle, à quelques mètres à peine, des cadavres ensanglantés jonchaient le sol.

Philesta eut un haut le cœur quand elle reconnut la mère et les sœurs d'Elyrian parmi ces amas de chair.

Elle eut l'impression d'étouffer.

Ce n'était pas de leur faute, elles n'y étaient pour rien. L'Illusion avait enclenché leur puce en mode guerre.

Cherchait-elle à les mettre en garde ou bien... à les diviser ? Quoi qu'il en soit des innocents venaient encore de mourir par sa faute...

La jeune femme entendit de loin Guntar expliquer la situation à ses subordonnés et innocenter Elyrian, sa famille et elle par la même occasion. Il leur montra la photo de la ville et Philesta vit tous les Gratsans un par un changer de couleur de yeux. Il y eut un instant de flottement puis des cris et des lamentations s'élevèrent peu à peu.

Ils étaient tous dévastés d'avoir commis des meurtres à cause de cette vie illusoire.

Philesta recula. Tout cela avait été fabriqué par l'IA pour elle, à cause d'elle, elle était l'origine de toutes ces souffrances.

Son cœur sursauta dans sa poitrine quand ses yeux recroisèrent les cadavres sur le sol. Ils étaient morts aussi par sa faute, parce que l'Illusion la recherchait.

Elle s'était promit que plus personne ne mourrait pas sa faute et elle n'avait pas réussi à tenir cette promesse...

Ils n'avaient pas à supporter son fardeau et en payer les conséquences à sa place. L'IA la recherchait elle, c'était donc à elle de lui faire face.

La jeune femme chercha du regard Elyrian dans la foule des Gratsans qui retrouvaient peu à peu la mémoire et le vit immobile pâle comme un linge fixer l'endroit où se trouvait les corps sans vie avec une expression qu'elle ne lui avait jamais vu.

Il avait tout donné pour sa famille, elle comptait plus que tout...

Comment devait-il se sentir ? Lui en voulait-il d'être la cause de leur mort ?

Philesta sentit ses yeux s'embuer de larmes et elle passa une main tremblante sur son front tout en continuant à le fixer de loin.

Elle n'avait pas le courage de vérifier, elle ne se sentait pas capable de lui faire face parce que même si jamais lui ne lui en voulait pas, elle, elle se sentait coupable.

Philesta recula de nouveau. La seule solution qui s'offrait à elle était la fuite.

Elle lui lança un dernier regard rempli de remord puis elle tourna les talons et partit en courant.

Elle courut à perdre haleine sans se retourner, le cœur au bord du gouffre et un sentiment de désespoir intense se propageant dans son cerveau.

La jeune femme ralentit finalement au bout de quelques minutes essoufflée et regarda autour d'elle. Elle se rendit compte que ses pas l'avait amenés naturellement comme par habitude devant la ville du peuple des Katharos.

L'immense porte d'entrée était ouverte. Elle entra en frissonnant. Tout était vide et un silence glaçant régnait.

Elle avança doucement presque respectueusement comme si elle entrait dans un cimetière. Tout était resté identique à ses souvenirs, rien n'avait changé car plus personnes n'était en vie...

La jeune femme continua à avancer lentement en essayant de ne pas se laisser imprégner par cette atmosphère de mort qui pesait sur les lieux.

Elle essaya de réprimer les sanglots au fond de sa gorge à la vue des squelettes toujours à la même place de sa mère et Azaëlle. Personne ne les avait enterré décemment, elles avaient pourris ici au soleil, leur chair avait été mangée par des charognards.

Cette pensée lui était insupportable.

Philesta regarda tous les squelettes autour d'elle et son cœur se brisa un peu plus à chaque fois qu'elle en voyait un de la taille d'un enfant.

Elle ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'elle était l'origine de toute cette souffrance car si elle n'avait pas existé, l'Illusion n'aurait certainement pas enfermé tout son village dans cette horrible expérience et toutes ces personnes innocentes ne seraient pas mortes...

La jeune femme s'arrêta finalement au milieu de la ville. Elle ne pouvait pas se laisser abattre, l'Illusion comptait sans doute là-dessus pour qu'elle se livre à elle.

Elle redressa la tête. Pour toutes les personnes qui étaient morte à cause d'elle, elle n'allait pas se laisser faire et elle allait tenir tête à l'Illusion jusqu'au bout même si la lutte s'avérait inutile car elle leur devait bien ça.

Philesta inspira profondément et enterra décemment toutes les membres de son peuple dans la grande étendue d'herbe derrière la maison d'Azaëlle près de l'arbre creux puis elle s'assit épuisée à côté de celui-ci ou plutôt de ce qu'il en restait.

Elle frôla du bout des doigts les cendres de l'arbre pensivement.

Pourquoi cet arbre avait autant d'importance pour elle ?

Le souvenir qu'elle avait d'avoir enterré une boîte à secret avec ses amis lorsqu'ils avaient sept ans était faux, elle le savait bien mais elle avait remarqué que quelques souvenirs factices avaient un lien avec les vrais souvenirs comme une sorte de protection du cerveau pour préserver certains souvenirs particulièrement important.

C'est pour cela qu'elle avait trouvé Azaëlle et Konstan sympathiques car ils ressemblaient à Lorena, sa vraie amie ou bien c'est pour cette raison que lorsqu'Elyrian se pensait Gratsans pour lui sa famille future était très importante, c'est pour cela qu'il exécrait l'idée d'en fonder une avec une inconnue qu'il allait tuer, car dans la réalité, même si à ce moment là il ne s'en rappelait pas, il cherchait à protéger sa mère et ses sœurs.

La jeune femme fixa les cendres de l'arbre et se leva lentement. Elle attrapa fébrilement la pelle qui lui avait servit à enterrer décemment tout son peuple et la planta avec hésitation à l'endroit où elle avait selon son souvenir factice enterré une boîte lorsqu'elle avait sept ans.

Se pourrait-il qu'il y ait réellement quelque chose ? Mais si c'était le cas quand l'aurait-elle enterré, pour quelle raison et surtout... quoi ?

Elle planta plus profondément la pelle en tremblant légèrement et rencontra une résistance.

Elle appuya de nouveau et un bruit métallique se fit entendre.

Philesta frémit. Il y avait bien quelque chose.

Comment était-ce possible ?

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