Katislab leva finalement le regard vers sa fille, se sentant observé. Il détendit ses poings fermés et s'approcha d'elle.
Philesta recula instinctivement.
Son père ramassa son masque qu'il avait laissé tomber au sol et dit soudain en plantant son regard dans les yeux fuyants de la jeune femme :
— Comment as-tu pu amener le créateur de l'Illusion ici ?
Philesta déglutit. Son corps entier était glacé et ses lèvres étaient comme aimantées. Elle se contenta de regarder son père sans un mot, le cœur au bord des lèvres.
Katislab replaça le masque sur son visage et posa sa main sur l'épaule de la jeune femme en murmurant :
— Ne fais rien, contente-toi de ne pas nous mettre des bâtons dans les roues. C'est un conseil.
Puis il sortit de la pièce.
Philesta sentit son corps se relâcher et des larmes rouler sur ses joues glacées.
S'en était trop. Elle ne pouvait pas continuer comme ça. Elle avait l'impression que la descente en enfer ne s'arrêterait jamais.
Elle ne voulait pas se laisser abattre, elle ne voulait pas qu'on écrase ses sentiments, qu'on les chiffonne, qu'on déchire son cœur déjà suffisamment affaiblie, elle avait peur... des conséquences.
Elle avait déjà du supporter suffisamment d'épreuves, d'embûches, de douleurs pour que d'autres s'ajoutent au bouquet final.
La jeune femme rejeta sa courte chevelure en arrière dans un geste sec. Elle en avait assez.
Il fallait qu'elle sorte, qu'elle respire.
Elle sortit de la pièce d'un pas pressé. Elle s'arrêta devant la salle d'entrainement et regarda Elyrian s'entrainer avec Aliénor. Il se débrouillait bien, très bien même.
La jolie brune s'approcha très près de lui et lui remontra un mouvement. Il sourit. Elle lui attrapa le bras et l'aida à le faire. Leurs visages étaient très proches.
Philesta eut l'impression que le temps s'arrêta soudain. Tout autour d'elle ralenti.
Elle franchit la distance qui les séparait et attrapa fermement le bras d'Aliénor qui tenait celui du jeune homme.
Le temps reprit son cours. Elle se rendit compte de ce qu'elle venait de faire. Toutes les personnes présentes dans la salle d'entrainement s'étaient arrêtées de bouger, intriguées.
Elyrian la regardait avec étonnement. La jeune femme sentit son cœur s'accélérer brutalement. Elle lâcha la jolie brune et dit d'une voix sourde, en plongeant son regard dans celui du jeune homme:
— Tu ne m'aimes sans doute pas comme je t'aime puisque tu me fais subir cela.
Elle tourna les talons et partit d'un pas rapide. Elyrian la rattrapa et lui demanda en la forçant à se tourner vers lui :
— Qu'est ce qui te prend ?
Elle le regarda avec un mélange d'incompréhension, de tristesse et de désespoir puis dit finalement :
— Je me demande aussi, qu'est ce qui me prend...
Le jeune homme soupira et dit :
— Ce n'est pas le moment de faire une crise de jalousie Philesta, tout ne tourne pas autour de toi, il ne faut pas oublier notre but : détruire l'Illusion.
Philesta sentit les larmes monter jusqu'à ses yeux et sa gorge se serra. Elle répondit d'une voix rauque :
— Je me demande qui réellement de nous deux perd de vue l'objectif.
Elyrian fronça les sourcils et dit brusquement :
— Va t'entrainer, et tu auras ta réponse.
La jeune femme rit légèrement, d'un rire triste et répondit :
— Si seulement, tu ne m'avais pas délaissée, si tu n'avais pas passé l'entièreté de ton temps avec Aliénor tu saurais ce que je vis en ce moment, tu comprendrais comment je me sens, à quel point je suis au fond du gouffre. Tu ne m'as posé aucune question sur mes retrouvailles avec mon père, en fait tu te désintéressais complètement de comment je pouvais vivre cela. Tu ne me l'as pas demandé mais je vais te le dire. Mon père ne veut plus que je m'entraine, je ne suis pas à la hauteur de ses attentes, je lui fais honte et il veut juste que je reste tranquille dans mon coin, sans faire d'histoire pour ne pas être un poids dans l'opération contre l'Illusion. Il m'a remplacé par Lucy, qui est la fille du professeur, qu'il a rossé devant moi en découvrant son identité, à tel point qu'il doit avoir le nez cassé, mais ça, bien sûr tu ne pouvais pas le savoir car tu étais ici, avec Aliénor.
Le jeune homme se racla la gorge et dit finalement :
— D'accord, je suis désolé, j'aurai dû faire plus attention mais, tu dois comprendre qu'actuellement la priorité est de détruire l'Illusion, c'est notre objectif depuis tellement longtemps, il ne faut pas que tu l'oubli.
Ces paroles, au lieu de la faire se sentir mieux, achevèrent de briser Philesta. Elle connaissait par cœur le jeune homme, ses expressions de visage, ses intonations de voix et elle savait qu'il mentait, qu'il ne pensait pas un mot de ce qu'il disait.
Elle s'était battue, en vain.
La jeune femme répondit simplement la mort dans l'âme:
— D'accord, je te laisse t'entraîner, je ne t'embêterai plus.
Puis elle partit sans se retourner. Elle eut néanmoins le temps d'entendre Elyrian rassurer Aliénor sur la situation.
Une douleur fulgurante et mordante lui transperça soudain le ventre. Elle savait que c'était la faim, et pourtant elle avait mangé il y avait à peine une heure.
Elle s'accroupit et serra son ventre en essayant de se concentrer sur sa respiration hachée.
La douleur était insupportable. Elle avait la sensation qu'un brasier s'était allumé dans son estomac, faisant fondre au passage tous ses organes.
Puis, tout à coup, elle disparut.
Philesta se leva.
Quelque chose clochait, et ce, depuis le début. Rien n'avait de sens.
Elyrian sortit soudain de la salle d'entrainement et la chercha du regard et lorsqu'il l'a vit il courut jusqu'à elle et la serra dans ses bras en murmurant :
— Je me suis vraiment mal comporté, tu as du vraiment te sentir seule, je suis sincèrement désolé. Si tu veux, j'essayerai de convaincre ton père que tu es capable de t'entrainer tout autant que moi.
La jeune femme se dégagea de ses bras et le fixa en tremblant légèrement. Pourquoi changeait-il tout à coup d'attitude ?
Elle le savait, elle le sentait mais son cerveau n'était pas capable d'aller au bout de son raisonnement car quelque chose, elle ne savait pas quoi, l'en empêchait.
Une voix l'appela soudain, ou peut-être l'appelait-elle depuis longtemps, elle ne savait pas, elle ne savait plus.
Le jeune homme posa ses mains sur ses oreilles et lui dit doucement :
— Tu as vécu trop d'émotions ces temps-ci, tu as besoin de calme, ne pense plus à rien et va te reposer.
Philesta se recula. Il fallait qu'elle fuie, loin, très loin d'ici, mais où ?
La voix se fit plus forte. La jeune femme voulait l'entendre, elle voulait la suivre mais quelque chose l'en empêchait.
Elyrian attrapa son bras et lui demanda peiné :
— Pourquoi est ce que tu me repousse lorsque je t'enlace et que tu t'éloigne lorsque je ne fais que te couvrir les oreilles ? Tu m'en veux ?
La jeune femme le regarda. Le jeune homme semblait blessé.
La voix se fit plus pressante. Plus elle l'entendait et plus elle lui semblait familière, c'était la voix d'un homme qu'elle connaissait.
Philesta enleva la main du jeune homme de son bras et le regarda troublée.
Elle savait qu'elle devait suivre cet homme et non Elyrian.

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Illusion
ParanormalDepuis des siècles, deux peuples, les Katharos, détenteurs du pouvoir de guérison, et le puissant peuple des Gratsans se déchirent dans une guerre sanglante. Suite à de terribles circonstances, Philesta, une jeune guérisseuse Katharos, est capturée...