Illusion

Chapitre 67.

Philesta le fixa médusée. Ces cheveux sombres aux reflets argentés, ces sourcils épais, ces yeux gris, cette barbe parfaitement taillée et cette stature imposante tout correspondait au souvenir qu'elle avait de son père.

Elyrian regarda la jeune femme puis Katislab qui se fixaient, déconcerté.

Le professeur, qui avait récupéré ses lunettes, les remonta sur son nez fébrilement.

Philesta demanda finalement d'une voix étranglée :

— Comment se fait-il que tu sois en vie ? Tu es pourtant mort dans l'expérience...

Angelin croisa ses jambes et répondit :

— En réalité, je n'y suis jamais allé. J'avais deviné les plans de l'Illusion.

La jeune femme ouvrit la bouche mais la referma aussitôt. Cela tombait sous le sens, elle avait le souvenir qu'il était parti à la guerre lorsqu'elle avait dix ans et n'était jamais revenu, sauf qu'elle était entrée dans l'expérience à l'âge de dix-sept ans... une seule explication était possible : l'Illusion avait trouvé une histoire plausible à lui incruster dans la tête pour expliquer l'absence de son père.

Il ajusta le col de l'étrange mélange entre un costume et une tenue de combat que représentait son habit, puis continua :

— Je suis resté afin de monter un groupe de guerriers sans puces pour détruire l'Illusion et empêcher que l'IA ne fasse de mal à ma famille.

Philesta regarda son père le cœur battant.

Elle était mitigée. Elle était choquée, heureuse de le voir en vie mais... elle ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir de ne pas avoir pu protéger sa mère.

Elle comprenait ses raisons mais... elle avait la douloureuse impression qui l'avait abandonné car, au contraire du père d'Elyrian, il n'avait pas été enlevé mais s'était enfui de sa pleine volonté la laissant elle et sa mère à la merci d'un monstre.

Durant toutes ces années durant lesquelles elle se faisait manipuler dans une expérience atroce, il était là et il savait ce qu'elle vivait.

Elle ne pouvait s'empêcher de se sentir trahie à cette idée. Elle avait toujours considéré son père comme un héros, puissant, invincible et protecteur mais qu'en restait-il ?

Que restait-il de la relation qu'ils avaient autrefois ? Il avait tellement changé...

Trouvait-il qu'elle avait changé, qu'elle avait grandi, muri ? Pourquoi ne lui posait-il pas de questions sur sa mère ?

Était-il seulement heureux de la voir ?

Son visage semblait impassible.

Ses doigts qui pianotaient sur l'accoudoir de son siège s'arrêtèrent soudain. Il se redressa et dit finalement :

— Vous devez atteindre le niveau de l'Onyx suprême le plus rapidement possible car l'Illusion n'attendra pas. Vous commencerez donc les entrainements aujourd'hui. Jeune homme tu peux rejoindre Aliénor dans la salle d'entrainement, vous l'informaticien vous pouvez vous rendre dans la salle Electria que vous avez traversée pour arriver ici, et, quant à toi Philesta tu vas t'entrainer ici avec Lucy, la meilleure parmi les meilleurs.

Leurs retrouvailles après toutes ces années semblaient ne lui faire... ni chaud ni froid...

Elyrian et le professeur quittèrent la salle et la porte se referma derrière eux dans un claquement sonore.

Elle entendit leurs pas descendre l'escalier de pierre de moins en moins fort, puis plus rien.

Elle était désormais seule, face à son père. Seule ? Non, il y avait Lucy...

Son père lui fit un signe de tête. La femme masquée attrapa aussitôt deux longs bâtons blanc et en lança un à Philesta qui l'intercepta tant bien que mal.

Lucy se posta devant elle et dans un seul mouvement précis et rapide, la fit tomber.

La jeune femme se releva et serra à deux mains le bâton qu'elle lui avait donné. Elles n'avaient absolument pas le même niveau mais... elle ne se laisserait pas abattre. Elle sentait le regard de son père derrière elle qui la fixait.

Il la jugeait, évaluait ses capacités. Elle ne devait pas perdre.

La femme semblait avoir à peu près le même âge qu'elle au vue de ses mouvements agiles, et physiquement elles avaient le même gabarit, elles avaient donc à peu près les mêmes forces.

Elle attaqua par le haut et au dernier moment s'agenouilla sur le sol et frappa les jambes de Lucy mais celle-ci sauta au même instant et fit une sorte de salto pour atterrir derrière elle et bloqua la barre sous sa gorge sans qu'elle n'ait eu le temps ni de réagir, ni de se relever.

Elle relâcha la pression. Philesta se releva. Elles avaient changé de côté et elle voyait désormais le regard de son père. Il regardait Lucy avec admiration.

La jeune femme serra la barre à s'en faire craquer les jointures. Qui était cette Lucy ? D'où venait-elle ?

Elle voulait voir son visage, pourquoi le cachait-elle ? Se prenait-elle pour la sous-chef ? Cherchait-elle à imiter son père ?

Philesta l'attaqua de face et tenta de décrocher son masque d'un mouvement agile mais Lucy para toutes ses attaques sans difficulté et la fit tomber au sol en la frappant brusquement au ventre.

La jeune femme serra les dents de douleur. Elle ne voulait pas montrer qu'elle avait mal car son père la regardait. Elle était forte, elle avait changé depuis ses dix-sept, elle n'était plus la petite jeune fille que son père avait connue, elle était capable de se battre et elle voulait lui prouver sa valeur.

Elle se leva de nouveau et attaqua. Elle tomba. Elle se releva. Elle tenta de la frapper aux poignets pour lui faire lâcher le bâton mais en vain, elle tomba encore.

Philesta rejeta ses cheveux courts en arrière, le front perlé de sueur et le souffle court. Elle était à bout de force, elle n'avait rien mangé de la journée et sa vue commençait progressivement à se flouter.

Elle frissonna.

Son père frappa son accoudoir et dit :

— Encore ! Ne te relâche pas !

Elle se leva. Elle regarda Lucy. Elle était forte, trop forte pour elle et elle ne pouvait jamais tenter de deviner où elle attaquerait puisqu'elle portait un masque qui cachait son regard.

Elle attaqua de nouveau, en vain. Katislab s'exclama :

— Encore !

Elle tourna son regard vers son père. Il avait changé, il était dur, sans pitié, elle ne le reconnaissait plus.

Il semblait vivre désormais seulement et uniquement pour détruire l'Illusion... sans penser à ceux qui l'entouraient.