Chapitre 62 - Le pacte renouvelé - partie 3

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Alors que le jeune garçon avait entrepris de leur faire visiter, Sédah se mit à le détailler, se rendant compte qu'elle n'avait pas vraiment prêté attention à lui auparavant. Il ne devait pas avoir plus de douze ans. Ses cheveux noirs tombaient avec souplesse sur son visage d'ange, soulignant son air doux et discret. Son regard vif furetait, ne ratant aucun détail. Elle l'apprécia tout de suite et ses petits regards trainants lui indiquèrent que c'était réciproque.

L'édifice était immense. L'un des corps de bâtiment distribuait sur les chambres et dortoirs, un autre sur une grande cuisine qui s'ouvrait sur un jardin potager jouxtant une salle à manger. La bibliothèque, l'un des nœuds névralgiques de ces lieux, occupait une aile entière. Les robustes tables de travail en bois verni étouffaient sous le poids de livres anciens empilés, certains exhibant leurs riches enluminures. Sédah toussota, gênée par l'odeur d'encaustique. L'atmosphère studieuse encourageait au recueillement et à la discrétion. Elle se voyait déjà attablée, feuilletant l'un des vieux manuscrits avec concentration.

Lorsqu'ils arrivèrent à leur chambre, ils découvrirent qu'il s'agissait d'un grand dortoir. Leurs affaires avaient été déposées dans l'entrée. Ils libérèrent Agostino qui disparut à toutes jambes. L'aménagement consistait en une série de lits juxtaposés séparés par d'étroites étagères. Au fond, se trouvaient les commodités. Trois grandes fenêtres étaient ouvertes. Ils aperçurent alors Brune qui venait de s'y hisser, furetant avec prudence. Elle devait sûrement visiter de son côté. Les dalles en terre crue qui pavaient le sol donnaient une certaine chaleur à l'espace. Ils se saisirent de leurs sacs et choisirent chacun un lit. Sédah se plaça vers le fond de la pièce, à côté de Maddy. Hylas s'installa à côté d'elle. Quant à Aliénor, elle s'installa en tout début de rangée, près de la porte, et lorsque Sédah vit que Osmane se mettait à côté d'elle, elle en eut la gorge serrée. Elle mordit sa langue et réussit à n'en rien montrer.

— Il y a des tensions, la railla discrètement Hylas, auquel rien des sentiments contrariés de la jeune déesse n'avait échappé.

Sédah marqua un temps d'arrêt, mais ne releva pas. Elle recommença à ranger ses affaires.

— Je crois qu'il a juste besoin d'air. Après tout, il sacrifie sa vie et sa liberté pour toi... Lui, au moins, il a eu le choix, poursuivit-il en la regardant de biais, rangeant lui aussi ses vêtements sur l'étagère.

Ces mots la giflèrent. L'allusion à la mort d'Irina, sa mère adoptive, qui s'était sacrifiée pour elle la cingla tellement que la brosse à cheveux qu'elle s'apprêtait à poser sur la pile de ses vêtements lui échappa des mains avant de rebondir par terre, faisant définitivement disparaître Brune.

Sédah baissa les yeux et s'enfuit, un sanglot coincé dans la gorge. Si la tristesse de ce souvenir lui avait d'abord étreint le cœur, c'était surtout un sentiment de honte qui la submergeait à présent. La brutalité avec laquelle elle l'avait abandonné alors qu'il venait de perdre sa mère et qu'elle lui avait appris, dans le même temps, qu'Irina n'était pas sa vraie mère l'étouffait. Elle s'en était d'abord énormément voulue et puis, elle n'y avait plus trop pensé. Mortifiée, elle revoyait son expression incrédule et son teint livide. Elle lui avait tourné le dos ! Elle comprenait son ressentiment.
Elle résolut alors de s'en expliquer auprès de lui. Maddy l'avait rejointe. Elle la consola et l'interrogea. Sédah lui confia tout, insistant sur le fait qu'elle s'en voulait. En tournant sa tête vers Maddy, elle se rendit compte qu'Hylas était caché près de la porte. Elle se demanda depuis quand il était là et s'il avait tout entendu. Il ne tarda pas à s'éclipser. Elle en conclut qu'il ne tenait peut-être pas à en parler. Elle baissa les yeux, et c'est ainsi que sa confession s'acheva.

Le soleil était encore en train de monter quand Valentina les appela, Maddy et elle. Elle leur demanda d'aller revêtir un vêtement en lin de couleur crème qu'elle leur tendit à chacune, les sommant également de rester pieds nus. Elles devaient ensuite la rejoindre près de l'autel circulaire situé dans la cours pour procéder à la cérémonie du pacte. Maddy et Sédah partirent enfiler leurs vêtements. Il s'agissait d'une tunique à la coupe simple et confortable qui leur arrivait aux chevilles et dont les manches atteignaient à peine les poignets. Lorsqu'elles arrivèrent, Osmane et Aka étaient déjà présents et en tenue. Ils se disposèrent en cercle autour de l'autel. Les hiérophantes se joignirent alors silencieusement à eux, sortant de l'un des corps de bâtiment, Aliénor et Hylas se trouvaient également avec eux en tenues rituelles. Les hiérophantes portaient tous la même tunique en lin de couleur crème, et de coupe simple, mais sur les leur, étaient brodées les emblèmes de Déméter : des gerbes de blé et de pavot. Ils portaient également un large chapeau de paille dont la garniture était ornée d'un enchevêtrement de serpents brodés. Ils formèrent un cercle autour des quatre jeunes gens. C'est alors que Cérès apparut. Au moment où elle franchit le premier cercle, elle commença à se transformer. Le processus était spectaculaire. Sa chevelure s'allongeait et devenait d'or, rappelant les champs de blé chatoyant sous la caresse du vent et des rayons du soleil. Au moment où elle s'installa au centre de l'autel qui était symbolisé par un cercle grossièrement taillé dans une roche ferreuse, la grande déesse Déméter les toisait tous et une lumière douce et chaleureuse se mit à émaner d'elle. Sédah était fascinée et rassurée de sentir que sa lumière ne réveillait pas ses ombres comme ce fut le cas précédemment. Elle tenait la main d'Osmane et de Maddy. Elle devina qu'ils contenaient son don. Elle se rendit également compte que ses trois amis ne regardaient pas la déesse. Leurs regards semblaient ailleurs. Sédah tourna la tête et vit qu'il en était de même pour tous les hiérophantes du second cercle, sauf pour Hylas, dont le regard était subjugué lui aussi par la splendeur surnaturelle de la déesse qui apparaissait dans toute sa gloire et sa grandeur. Sédah se retourna de nouveau vers la déesse qui la regarda avec bienveillance et d'une voix intemporelle lui adressa :

Sédah - La fille cachée d'Hadès - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant