Sédah - La fille cachée d'Hadès - T1

Chapitre 13 - Première ennemie - partie 2

En dépit de tous ses efforts, Sédah n'arrivait pas à se concentrer sur la visite de la bibliothèque. Elle avait l'étrange sensation d'être piégée à l'extérieur de son corps et de la réalité du moment.

Elle suivait Georgios tel un automate, ne parvenant pas à manifester le moindre intérêt pour ce qu'il lui montrait, ce qui commençait, à juste titre, à l'agacer. Que lui arrivait-il ? Que s'était-il passé dans le bureau du professeur ? Pour une raison qu'elle ignorait, sa vision se rétrécissait.

Subitement, elle fut frappée par l'évidence. ll s'agissait de ses ombres ! Celles-ci étaient en train de l'envahir. À l'instant où elle en prit conscience, elle sentit la panique la gagner et l'ensemble des symptôme se décuplèrent. Tout d'abord, il y eut des bourdonnements qui se mirent à vibrer dans ses oreilles de manière oppressante, puis ce fut au tour de son sang. Ce dernier s'était mis à ralentir dangereusement, sur le point de se figer dans ses veines.

Elle saisit Georgios par le bras, prenant soin de toucher un endroit recouvert par des vêtements, car elle sentait qu'elle n'était pas en mesure de contenir son pouvoir en cet instant précis et malgré la présence de ses mitaines qui représentaient théoriquement une frontière efficace entre son don et les êtres qui l'entouraient, elle avait toujours peur que ses ombres ne débordent.

— Un instant Georgios s'il te plaît... Je ne me sens pas bien. Ce doit être le changement. J'ai besoin de respirer.

Georgios se retourna, plongea ses yeux dans les siens et de nouveau, une profonde sérénité se répandit telle une onde rassérénante, étouffant toutes ses inquiétudes et repoussant les ombres qui commençaient déjà à envahir son corps et son esprit.

— Merci.

— De rien, fit-il sans cérémonie.

— Il va vraiment falloir que je t'apprenne quelques trucs pour calmer tes symptômes d'anxiété. Ça tombe bien, c'est mon rôle. Et en retour, tu m'aideras à supporter les trajets en avion, plaisanta-t-il pour apporter un peu de légèreté à la pesanteur du moment.

Elle sourit, mais n'ajouta rien. Une fois remise, ils poursuivirent leur visite de la bibliothèque. Il lui présenta le bibliothécaire qui tenait à ce qu'on l'appelle par son prénom : Roman. Il lui fournit sa carte et lui expliqua le fonctionnement de la bibliothèque, les horaires d'ouverture et de fermeture, les procédures pour rechercher des ouvrages, pour les emprunter et les rendre.

Sédah avait toujours beaucoup de mal à se concentrer. Elle regrettait tellement la légèreté de la vie au jardin des Hespérides, et tout particulièrement la certitude que ses propres pensées lui appartiennent.

Elle repensait avec nostalgie à sa vie d'avant, à Hespérie, à ses tantes, à Ladon. Ils lui manquaient tellement. C'était si difficile pour elle de savoir qu'elle ne les reverrait sans doute jamais.

Elle cessa immédiatement d'y penser, car elle sentit de nouveau l'émotion la submerger.
Georgios la conduisit dans son espace préféré. Il s'agissait d'une petite salle entre deux étages avec une vue imprenable sur une partie des toits de la ville ainsi que sur le fort et la baie de Saint-Elme.

La mer miroitait chaleureusement en cette fin d'après-midi. Elle n'avait pas pensé qu'une telle vue puisse être accessible depuis cet endroit de la ville. Georgios avait raison, la pièce offrait vraiment une vue somptueuse.

— Il s'agit d'un autre de nos privilèges.

— Tout le monde doit s'arracher cet endroit ! C'est magnifique !

— Pas tant de monde que ça... Il y a d'autres points de vue assez stupéfiants un peu partout.

— Merci de m'avoir montré cet endroit ! Je me réjouis à l'idée de venir y étudier ! déclara-t-elle avec un sincère enthousiasme.