Chapitre 68 - Une attitude des plus étranges - partie 3

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La pauvre Sédah était anéantie par l'épreuve qui lui avait été infligée par le dieu du soleil. Hélios avait asséché ses ombres. En la réduisant à un nuage de particules sans consistance, ni conscience cohérente, il avait porté atteinte au don de la jeune déesse. Valentina s'en voulait. Elle avait fait courir de gros risques à tout le monde pour accomplir ce rituel et le résultat s'était avéré un échec. Valentina, et deux érudits Livia et Ottavio, avaient pris soin de consigner le déroulé des événements dans le livre des mystères d'Eleusis situé dans la bibliothèque. Ils se mirent également à chercher parmi certains de leurs plus vieux ouvrages pour voir ce qui n'avait pas fonctionné.

Sédah désespérait de voir tous ses amis s'améliorer de jour en jour, alors qu'elle ne parvenait même plus à tenir debout. Son don lui manquait. Parfois, elle se surprenait à penser au désert grisâtre dans lequel elle aurait pu errer atomisée et sans conscience pour l'éternité. L'angoisse oppressait alors sa poitrine, l'empêchant de respirer. L'illusion conçue par le dieu du soleil avait à tel point frappé son esprit que s'en souvenir l'empêchait de reprendre le cours normal de sa vie. Elle faisait de nombreux cauchemars. Elle avait remarqué que seule la présence de Brune à ses côtés parvenait à calmer ses nuits. Elle était traumatisée. Pour l'aider, Cérès et Valentina procédèrent à un protocole de purification qui eut pour effet de l'apaiser et de redonner de la force à son corps. Mais son don ne se rétablit pas. Elle avait d'ailleurs arrêté de porter ses mitaines, ne représentant plus aucune menace pour personne.

Cérès et les membres de la communauté des mystères décidèrent de réaliser un rituel de rétablissement afin d'aider la jeune déesse à retrouver son don. Ils projetèrent de le réaliser le jour de la pleine lune. Il devait se dérouler en deux parties : au moment de l'aurore et de l'aube, c'est-à-dire au moment précis où le jour et la nuit se frottaient l'un à l'autre.

Il ne leur restait plus que quelques jours. Sédah était nerveuse. Elle désespérait de ne plus sentir la présence familière de ses ombres. Sans ces dernières, elle se sentait incomplète. La vie manquait de saveur et tout lui devenait insipide. Elle avait le sentiment d'être devenue un fardeau pour tout le monde et plus les jours passaient, plus elle se sentait mal à l'aise avec Osmane.

Elle n'était pas la seule à être en proie à l'agitation. Hylas avait une attitude étrange. Il se retirait très souvent, et disparaissait pendant de longues heures. Même Agostino ne parvenait pas à le retrouver. Et lors des moments partagés, son esprit semblait ailleurs. Aliénor avait remarqué un fait étrange : Brune évitait Hylas. Lorsqu'il s'approchait, elle s'enfuyait se cognant aux obstacles environnant dans sa précipitation à l'éviter. Elle semblait le craindre. Un soir, il avait tenté de l'approcher et elle avait feulé après lui, ce qui avait fait rire Sédah, mais qui n'avait pas échappé à l'attention d'Aliénor. Pour Aliénora, quelque chose ne tournait pas rond, elle en avait l'intime conviction. Aliénor avait remarqué que l'un des prêtres observait lui aussi le jeune homme. Il s'appelait Nunzio. Il était herboriste et passait de longues heures à cultiver des plantes médicinales dans le potager et à se promener pour ramasser des plantes sauvages. Et lorsqu'il n'était pas à l'extérieur, il était souvent attablé, mondant sa cueillette avant de laisser partir les insectes pour finalement les nettoyer et les sécher précautionneusement. Aliénor avait fait part de sa découverte à Cérès qui s'était empressée d'aller voir Nunzio. Celui-ci s'était d'abord confondu en excuses, prétextant être trop occupé pour pouvoir lui parler tout de suite, ses plantes exigeant d'être préparées sans attendre. Cérès s'était alors proposée pour l'aider à séparer les feuilles des tiges. Elle l'accompagna ensuite dans le séchoir pour procéder à la dessiccation. Lorsqu'ils arrivèrent dans la pièce qui embaumait des parfums de fleurs séchées, il ferma la lourde porte et Cérès le sonda prudemment. Elle ne fit aucun mystère concernant ses suspicions à l'égard d'Hylas. Il lui répondit sans détour :

— Je crois qu'il s'agit d'un agent des ombres. Depuis qu'il s'est réveillé, lorsque je le regarde, je vois un trou noir à la place de son plexus. Je suis sûr qu'il a été marqué.

Cérès le regarda avec gravité. C'était bien pire que tout ce qu'elle avait pu s'imaginer. Elle se sentait sonnée par ce que lui révélait Nunzio.

— Comment se fait-il que vous le voyiez et pas moi ? demanda-t-elle légèrement piquée.

— Il a sans doute activé un enchantement. Je ne sais pas pourquoi je suis le seul à percevoir cette béance, mais elle grandit de jour en jour et je suis inquiet de savoir que mes frères et sœurs, ainsi que les enfants, vous et moi-même allons procéder à un rituel en présence d'une ombre aussi terrible.

Cérès réfléchissait. Qui avait bien pu ainsi marquer le jeune garçon ? Et que cherchait-il ? Elle ne comprenait pas ce qui lui échappait.

— Il y a deux jours, alors qu'on avait demandé à Agostino d'aller le chercher pour le dîner, il l'a aperçu de loin. Il était couché par terre à l'arrière du corps de bâtiment principal. Agostino a cru voir des ombres s'échapper de sa poitrine. Il a pris peur et il est venu m'en parler. Le pauvre enfant en a fait des cauchemars toute la nuit. Le lendemain, il m'a montré où il l'avait vu précisément et la terre y était noire comme du charbon.

— Comme du charbon dites-vous ? dit-elle d'un air confus.

— Mais que lui arrive-t-il à la fin ? se reprit-elle, soudain irritée que la situation ose encore résister à sa compréhension.

— Que faire ? Je n'ose pas en parler à Valentina. Après tout ce qui s'est passé, j'ai peur de sa réaction. Je crains qu'effectuer le rituel en sa présence ne soit trop risqué, ajouta-t-elle encore, se parlant presque à elle-même.

— Nous pourrions effectuer le rituel sur Sédah, Osmane et Hylas, glissa-t-il.

— Peut-être qu'alors nous aurions une chance. Le rituel perdrait certes en concentration, mais nous prendrions moins de risques et pourrions ainsi potentiellement tenter quelque chose sur Hylas. Si tant est que cela soit encore possible... ajouta-t-il, une pointe d'inquiétude assombrissant sa voix.

— C'est tout de même très risqué ! Tant que nous ne savons pas qui l'a marqué et pourquoi, effectuer un rituel en sa présence pourrait avoir des conséquences difficiles à prévoir, répondit-elle.

— En effet.

— Le matin, nous procèderons à un rituel de rétablissement sans les membres du pacte. Il y aura juste Sédah. Nous aviserons pour le rituel de fin de journée, finit-elle par trancher.

— Allons rejoindre les autres Nunzio et je compte sur vous pour rester discret. Je ne tiens pas à ce qu'Hylas sente que nous le suspectons.

Après cet échange à bruits secrets, ils retrouvèrent les autres. Hylas s'était retiré dans le dortoir. Et tout le monde finit par aller se coucher.

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Merci d'avoir lu !

B. 🖤

Sédah - La fille cachée d'Hadès - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant