Sédah - La fille cachée d'Hadès - T1

Chapitre 40 - La réaction de Nicaea Lunare - partie 2

Voyant son élève se diriger vers elle avec hésitation, elle l'encouragea :

— Vous souhaitez me parler ? lui demanda-t-elle gentiment tout en continuant d'effacer le tableau recouvert de signes en langue mère.

— En effet.

Sédah s'avança timidement jusqu'au bureau du professeur et lui tendit discrètement le petit parchemin. Le professeur Lunare faillit défaillir lorsqu'elle comprit ce qu'elle avait dans les mains. Elle se précipita jusqu'à sa chaise et s'y laissa tomber comme un sac trop lourd. Elle fixa sa jeune élève avec crainte et surprise.

Elle posa ses lunettes rondes sur son bureau, inspira, attrapa une paire de mitaines qu'elle enfila discrètement en observant de droite et de gauche. Elle  déroula  ensuite le petit rouleau, découvrant progressivement le dessin  de la  fleur. L'expression de stupeur qui avait commencé à s'évanouir, réapparut subitement, tordant ses traits. Elle semblait avoir le souffle court. Sédah ne savait pas quoi faire. Elle  ne  comprenait pas ce qui était en train d'arriver à son professeur. 

— Vous parvenez à le tenir comme ça ?! 

   Elle prit une profonde inspiration. Puis ses épaules s'abaissèrent,  ses  mains se détendirent et elle releva la tête vers Sédah qu'elle  observa  quelques instants, comme si elle la découvrait pour la première  fois.  Elle la détailla étrangement.

— Je suis au courant Mademoiselle Mordoh. Les parchemins d'illusion produisent toujours le même effet sur moi, je m'en excuse, déclara-t-elle mentalement. 

Sédah commençait à vouloir répondre en chuchotant :

— Je vous le... 

   — Je vais vous rédiger une liste d'ouvrages tout de suite. Ils   devraient être disponibles en bibliothèque, la coupa-t-elle tranquillement. 

Son corps ne laissait déjà plus transparaître la moindre émotion de   surprise. Elle s'était totalement recomposée et Sédah assista alors à   une prouesse inqualifiable. Alors qu'elle écrivait posément une liste   d'ouvrages de sa main droite, en même temps, elle s'adressait à elle   mentalement : 

— Ne   me répondez pas, on pourrait vous entendre. Vous ne fermez pas encore correctement votre esprit. Je vous ai transmis un ouvrage dans cette liste qui vous apprendra à contenir vos pensées. 

Elle prit de nouveau un moment pour l'observer silencieusement et reprit :

— Il s'agit d'un artefact très puissant qui prouve votre haute lignée. 

Sédah la regardait droit dans les yeux, ne sachant pas vraiment comment réagir.  

— Vous ne pourriez pas porter un tel parchemin sans précaution si vous n'étiez pas de descendance divine. Je m'incline.

Et pour incarner ces derniers mots, elle abaissa ses paupières lentement avant de poursuivre :

— Votre protectrice est Cérès n'est-ce pas ? lui demanda-t-elle, attendant une confirmation de Sédah qui abaissa discrètement ses paupières à son tour. 

— Cela signifie qu'elle craint pour votre sécurité au sein de l'école n'est-ce pas ?

Sédah acquiesça de nouveau.

— Sachez   que vous pouvez compter sur moi. Quelles que soient les circonstances,   je vous soutiendrai. Je garde le parchemin. Il serait dangereux que quelqu'un le retrouve sur vous. Vous seriez immédiatement démasquée.   

Sédah le savait, pourtant, elle n'avait pas pensé un seul instant pouvoir être fouillée. Elle prit conscience qu'elle n'était toujours pas suffisamment précautionneuse. Le professeur Lunare venait de terminer d'écrire la dernière référence et lui tendit la liste avec un sourire qui ne laissait rien transparaître de leur échange silencieux. Sédah saisit la liste et la remercia, puis elle rejoint ses amis. Aussitôt sortie, Georgios lui arracha la liste. Ce geste ne manqua pas au regard   scrutateur de leur professeur, ni à celui de Sédah qui chaque jour, se   voyait renforcée dans sa conviction que Georgios était moins un tuteur,  qu'un espion chargé de surveiller chacun de ses faits et gestes.

Inspirée par la façon stupéfiante avec laquelle l'enseignante aux petites lunettes rondes avait compartimenté son esprit et ses gestes, elle sépara à son tour nettement l'émotion de tristesse qui lui pinçait le cœur à l'idée que Georgios,   qu'elle pensait sincèrement attentionné à son égard ne soit qu'un vulgaire mouchard. Elle se sentit également peinée de l'insouciante légèreté qu'elle affichait hypocritement en rigolant avec lui et Maddy.

Puis ils disparurent dans les escaliers, discutant des ouvrages que leur professeur avait suggérés à Sédah pour prétendument l'aider à rattraper son retard. Car c'est bien ce qu'elle avait laissé entendre à ses amis et notamment à Georgios. Elle espérait l'avoir dupé, même si elle au fond d'elle même elle en doutait. Georgios devinait qu'elle lui cachait quelque chose. C'est pour cela qu'il se montrait si indiscret et collant. En tout cas, Sédah mesurait maintenant la précarité de sa situation au lycée et un fond d'inquiétude était en train de s'installer en elle.

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À samedi prochain !
B. 🖤