Sédah sentit les mains d'Osmane se mettre à trembler dans les siennes. Son visage s'était fermé, ses pupilles s'étaient obscurcies, signalant l'intensité de la lutte qui faisait rage en lui. Sédah n'avait aucune idée de la décision qu'il allait prendre. Quel que soit son choix, elle était prête à l'assumer. Elle n'insisterait pas. Il la fixa droit dans les yeux, sa mèche noire zébrant son visage.
— Ton égal... À cette condition...J'accepte.
À l'instant même où il consentit, elle sentit un lien de confiance s'établir profondément entre eux, leurs mains se mettant à picoter en écho avec le pacte qui les unissait désormais. Le don de Sédah s'était scellé à celui d'Osmane. L'un et l'autre en mesurèrent le caractère sacré. Ils savaient qu'ils ne pourraient plus défaire ce qui venait d'être mutuellement consenti. Ils n'arrivaient plus à se lâcher les mains. Ils éprouvaient comme un besoin viscéral de rester en contact, de sentir la puissance du lien qui les unissait. Aka et Maddy assistaient à la scène silencieusement. Ils venaient d'être les témoins d'un engagement solennel. À travers le contact de leurs mains serrées, Sédah sentait la puissance du dragon noir se déverser en elle. Elle percevait sa fougue, son impétuosité, son intelligence tactique et surtout l'intensité de son feu. Elle comprit également son profond attachement à la liberté et comprit ce que le pacte venait de lui coûter. Il venait de renoncer à l'une des conditions les plus fondamentales de son existence. Tout cela était-il bien raisonnable ? ne put-elle se retenir de penser.
Osmane la regardait intensément. Il était en train de réaliser ce à quoi il venait de s'engager. Il ressentit à son tour la force des ombres qui demeuraient tapies dans le cœur de la jeune déesse. Il perçut la puissance de la mort qui à chaque instant pouvait arracher la vie. Il ne le montra pas, mais il en fut terrifié. Il n'avait jamais senti l'immensité du pouvoir de la jeune fille avant cet instant. Qu'avait-il fait ? Les implications de sa décision étaient tellement vertigineuses, qu'il en perdit un instant courage. Ne s'était-il pas juré de ne jamais se lier à Sédah ? Comment avait-il pu céder ? Il avait pourtant réussi à la tenir à distance, se montrant froid et désagréable, parfois même injuste. Comment avait-elle réussi à éteindre sa détermination ? Il n'aurait su se l'expliquer. Ce qu'il réalisait, c'est que désormais, ils étaient indéfectiblement liés. Ils venaient de se promettre loyauté et fidélité. Et au nom d'Héphaistos, dieu du feu terrestre, dont il était un lointain descendant, il assumerait d'être à ses côtés jusqu'à sa mort, quelles que soient les épreuves que l'avenir leur réservait.
Aka s'avança à son tour. Il s'agenouilla devant Osmane et Sédah.
— Que fais-tu Aka ? demanda Sédah extraordinairement gênée.
— Je veux vous prêter allégeance ! déclara-t-il avec solennité.
— Nous acceptons ton amitié, pas ton allégeance ! lui dit Sédah.
Elle le fit se relever, prit la main d'Osmane, celle d'Aka, qui prit celle de Sédah. Un fluide puissant les parcourut tous les trois. Ils invitèrent Maddy à les rejoindre à son tour. Ils se déclarèrent tous amitié et fidélité. Les quatre amis, sans le savoir, venaient de sceller un nouveau pacte très puissant qui retentit dans tous les royaumes : de l'En-haut, comme de l'En-bas. Un coup de tonnerre terrible retentit alors. Ils se regardèrent avec surprise, se demandant si leur engagement en était à l'origine.
— Êtes-vous prêts à partir dès maintenant ? demanda Aka.
Maddy regarda s'il y avait bien sa sacoche dans la chambre de Sédah, et la repérant, elle déclara :
— Je suis prête. J'aurais bien aimé récupérer quelques bricoles, mais c'est accessoire.
— Où est Brune ? demanda alors Sédah.
Osmane siffla et la belette fit son apparition. Elle hésita entre les deux. Et c'est finalement Osmane qui la prit dans ses bras. Il l'installa dans son cou et lui souffla de bien s'accrocher. Sédah était médusée.
— Elle était donc avec toi ?
Osmane sourit moqueusement.
— Oui... Elle a très vite senti elle ! Pas comme d'autres... ironisa-t-il, levant les sourcils d'exaspération.
Sédah le regarda d'un air contrit qui amusa Maddy et Aka.
— Une belette ! Incroyable ! Comment a-t-elle fait pour échapper à la traque des profs ! s'exclama Aka.
— Elle est maligne ! dit Osmane en regardant le petit animal tendrement.
Mais l'urgence de la situation se rappela à eux. Un tremblement sourd monta progressivement faisant trembler sol, murs et plafond, avant de s'arrêter de nouveau. Sédah réfléchit en toute hâte. Qu'est-ce qu'elle oubliait ?
— Le livre ! s'exclama-t-elle en se précipitant vers le bureau. Elle regarda à la page 30. Elle s'aperçut que sa grand-mère était en train d'y rédiger un message :
Ma chère enfant,
Tu es en grand danger. Il faut que tu partes tout de suite. Je..
Alors qu'elle était en train de lire le message qui s'écrivait en temps réel, le tremblement sourd reprit, s'intensifiant par rapport à la fois précédente. Saisie de torpeur, le livre échappa des mains de Sédah avant de s'effondrer au sol. Puis les tremblements cédèrent la place à un ensemble de sons gutturaux issus des profondeurs de la terre.
— Gaïa ! souffla Sédah frissonnante, se rappelant de nouveau la réaction effarée de sa grand-mère lorsque la terre s'était mise à frémir dans le jardin des Hespérides.
— Tu veux dire Gaïa la déesse de la terre ? bégaya Aka qui tremblait de peur.
— Oui ! Cette Gaïa Aka ! répondit la jeune déesse, retenant un mouvement de panique.
Sédah comprit que les sons formaient des mots. Il s'agissait d'une sombre litanie qui n'augurait rien de bon pour les quatre amis. Elle était découverte. Il leur fallait fuir sans attendre. Ils n'avaient plus de temps à perdre.
Alors qu'ils étaient sur le point de quitter la chambre, quelqu'un frappa à la porte.
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B. 🖤
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Sédah - La fille cachée d'Hadès - T1
FantasyDepuis sa naissance, Sédah vit loin du monde. Des ombres terribles grandissent en elle, menaçant toute forme de vie qui entre à son contact. Elle ne ménage pourtant pas ses forces pour tenter de les contenir. Accompagnée de sa grand-mère Cérès, une...