Chapitre 75 - Rosaria Lombardo - partie 3

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Aka fit alors une brève apparition à  un embranchement situé plus loin dans la galerie avant de s'esquiver de  nouveau dans un bras situé sur la gauche. 

  — Aka ! l'appela Sèdah, sa voix ayant eu pour effet d'interrompre le  chant de la petite fille, cédant la place à des craquements d'os  sinistres. Ils se regardèrent, sidérés par les sons lugubres qui  retentissaient dans la galerie. Osmane regarda Sèdah et l'encouragea à  reprendre sa progression. Elle acquiesça silencieusement et ils  reprirent leur progression jusqu'à l'endroit où Aka s'était volatilisé.  C'est alors qu'ils découvrirent une petite fille âgée de deux ans tout  au plus. Elle était assise sur un cercueil de verre surmontant un  piédestal qui devait certainement être le sien vue sa taille. Son visage  cireux encadré par des cheveux clairsemés surmontés d'un gros nœud en  ruban de couleur orange défraîchi, s'était remis à chanter  mélancoliquement, les yeux plongés dans un vide lointain. Autour d'elle,  des squelettes de moines revêtus de robes de bures étaient rangés  couchés sur six ou sept niveaux superposés, ou debout dans des alcôves  disposées les unes à la suite des autres sur deux et parfois trois  étages de part et d'autre de la galerie dans laquelle ils se trouvaient  désormais complètement engagés.

— Merci Aka. Tu es un bon chien, lança-t-elle avec une petite voix fragile et désincarnée. 

  Aka remuait la queue en aboyant et en la regardant avec enthousiasme.  La petite fille tourna alors la tête vers Maddy. Elle la scruta, puis,  dans une série de petits mouvements saccadés soulignés par de légers  craquements d'os, elle passa à Aliénor, qu'elle sembla observer avec la  même acuité. Elle acheva son examen en se tournant vers Sèdah. 

— Tu es la fille des ombres n'est-ce pas ? demanda-t-elle en plongeant son regard sans couleur dans celui de Sèdah.

— En effet, répondit cette dernière. 

— Et toi ? Qui es-tu et pourquoi nous as-tu attirés dans cette crypte ? lui demanda-t-elle avec méfiance.

  — Je suis Rosalia. Non, je devrais plutôt dire que j'habite  provisoirement le corps de Rosalia Lombardo. Elle avait deux ans lorsque  qu'elle a été emportée par une pneumonie. Depuis, elle gît dans ce  tombeau de verre, telle une princesse endormie. C'est triste n'est-ce  pas ? dit-elle en caressant la surface vitrée du revers de sa petite  main desséchée.  

Son regard se  perdit alors un instant dans le lointain et elle se remit à entonner un  air triste avec une voix d'enfant à la fois cristalline et fragile. Ils  en furent tous bouleversés. Puis elle planta de nouveau son regard dans  les prunelles sombres de Sèdah.

—  Je suis fille des limbes. Je vois par delà les voiles du présent. Le  prince ignoré vous épie. Il voit à travers sa marque, déclara-t-elle en  pointant son doigt sur Osmane avec la précision et la rapidité d'une  flèche. 

Puis ses yeux  s'égarèrent de nouveau. Elle se mit à entonner son air triste pendant  quelques instants, et revint à la situation.

  — Mon attention s'use et se meurt. Les limbes clament mon retour. J'ai  peu de temps. Sa marque est son œil, dit-elle énigmatiquement tout en  désignant de nouveau Osmane. 

La  petite fille inspira longuement, et son corps d'emprunt émit un  sifflement atroce. Elle reprit alors dans un souffle saccadé :

  — Il faut le guérir de sa marque. Le prince ignoré vous observe. Il  entend tout. Il est en chemin. Il a si soif de tes ombres fille d'Hadès !  Il est si avide ! 

Elle se  remit à chantonner, des accents sombres et graves troublant étrangement  sa voix d'enfant. Puis elle fixa Sèdah avec une intense gravité :

Sédah - La fille cachée d'Hadès - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant