Chapitre 56 - Une traque houleuse - transition

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Deux matelots vinrent prêter main forte à la vieille femme, la délestant de son énorme valise. Le plus jeune des deux sauva ensuite le bonzaï qui menaçait de tomber des mains du jeune homme. Libéré de cette entrave, il put heureusement accéder au pont du bateau sans encombre. Le chien grimpa à son tour, remuant la queue, excité de rencontrer les membres de l'équipage. Tout le monde jouait sa partition à merveille. 

— Mon petit Carlito, viens m'aider, réclama la vieille dame à Sédah d'une voix exagérément flûtée.

— Bien sûr ma tante, s'empressa-t-il avec une politesse excessive. 

Guidées par l'un des matelots, les deux actrices s'installèrent dans leur cabine. Sédah arnacha la valise afin qu'elle ne puisse pas bouger de son logement. Elle en fit autant avec le petit arbre qu'elle coinça soigneusement. Quant à Aka, il préféra rester sur le pont avec les matelots et notamment avec le plus jeune d'entre eux qui n'arrêtait pas de lui grattouiller le museau et le front, et de lui caresser le dos.

— Nous partons ! Jetez les amarres !  cria l'un des matelots aux deux autres. 

Ils s'agitèrent sur le pont, puis le bateau commença à bouger  doucement. Ils démarrèrent le moteur et s'éloignèrent de la berge.  

Adieu Malte ! se dit Sédah intérieurement.  

—  Je vais t'apprendre à ne rien émettre. Tu penses trop fort. Tous ceux qui ont des capacités mnésiques t'entendent. Tu n'as rien appris à La Valette ! s'insurgea-t-elle.

Le chat se mit à ronronner en assentiment aux propos de Cérès. 

— J'étais sûre d'être avoir progressé ! bouda-t-elle, vexée. Oh ! Toi, ça va ! décocha-t-elle à Osmane. 

En réponse, il lui flanqua un grand coup de tête dans le bras gauche. 

— Aïe ! Mais qu'est-ce que tu fais Osmane ! s'insurgea-t-elle en se massant le  bras à l'endroit où il avait enfoncé sa tête. 

— Je n'arrête pas de te le dire... C'est tout... protesta-t-il mentalement. Elle n'osa rien répondre de peur d'être entendue. 

Cérès les regarda d'un air sévère.

— Il va falloir que tu apprennes à tenir ton familier ma petite fille !

En réponse à cette ultime provocation, Osmane planta ses griffes dans  les cuisses de Sédah qui se raidit et grimaça. Elle comprit que sa grand-mère avait encore réussi  à l'irriter. La jeune déesse se demanda si Cérès n'avait pas transformé Osmane en chat à escient. N'était-ce pas le meilleur moyen de le soumettre à sa condition d'obligé ? Elle caressa Osmane, cherchant à l'apaiser en vain. Les sous-entendus de la vieille déesse étaient bien trop mordant pour être digéré aussi vite, même avec des caresses. Il finit par la mordre pour qu'elle arrête de le prendre en pitié.

— Si le vent nous est favorable, nous devrions accoster à Agrigente  demain matin. Vous pouvez vous reposer. Nous vous  appellerons lorsque nous serons en approche de la côte, déclara le chef d'équipage. 

La mer était calme et le voyage se déroulait sans difficulté notable. Au bout de quelques heures de navigation, alors que tout le monde s'était plus ou moins assoupi, Cérès se dressa en sursaut.

— Mon frère nous cherche. 

— De qui parles-tu grand-mère ? s'enquit Sédah affolée. 

— Je parle malheureusement du plus capricieux d'entre eux, celui qui règne en maître sur la mer et les océans, répliqua-t-elle catastrophée. 

— Tu veux parler de Poséidon ? Pour quelle raison me chercherait-il ? s'inquiéta Sédah, estomaquée de découvrir qu'un dieu aussi prestigieux se soit mis à sa poursuite.

— Ton apparition bouscule l'équilibre entre les trois royaumes. Je dois absolument  trouver un moyen pour effacer nos traces. Je tente quelque chose, répliqua-t-elle en fermant déjà ses paupières avec l'intention évidente de mettre son idée en pratique.

En écho avec la houle qui n'avait cessé de se renforcer, le bateau tanguait. L'un des matelots  vint les prévenir que pour des raisons inexpliquées, la mer s'agitait. Sédah perçut l'affolement qu'il tentait de masquer derrière son sourire faussement rassurant. Avant de repartir, il leur conseilla de tout harnacher solidement. Sédah pensa à cet oncle qu'elle ne connaissait qu'à travers ses facéties racontées dans les mythes. Elle le savait en théorie d'humeur violente et  instable. Les faits étaient en train d'en attester.

— Pourquoi est-il après moi ? songea-t-elle bruyamment. 

Cérès la regarda sans rien dire. 

— Ton oncle a peur du déséquilibre que ton ralliement à ton père pourrait causer. Tu n'es pas une demi-déesse Sédah. Tes deux parents sont des dieux, ce qui fait de toi une déesse aux grands pouvoirs. Tu n'en prends pas assez la mesure.

Elle  réfléchit à la réponse de sa grand-mère. Sa présence causait décidément  bien des tracas. Que pouvait-elle bien faire ? Quelles étaient ses  options pour rendre au monde sa stabilité ? Elle n'avait jamais voulu  causer le moindre trouble et voilà que l'ordre entre les mondes était menacé en raison de sa présence. 

Elle regarda  Cérès ouvrir sa sacoche et en tirer différentes herbes. Elle préparait  un mélange de poudres, manquant à chaque fois de tout renverser ou de lâcher les pincées de poudre à côté du sachet. Elle finit  cependant par réussir ce qu'elle avait entrepris. Une fois le mélange terminé, elle prit le sachet, et sortit s'installer sur le bastingage en dépit des réprimandes des  matelots qui la jugeaient bien trop imprudente. Elle psalmodia et la mer s'apaisa. Elle revint dans la cabine. 

— Les dieux nous  cherchent. Ils savent que nous avons quitté l'île et que nous sommes sur  la mer. J'ai réussi à détourner l'attention de mon frère, mais ça ne va  pas durer. Il faut que nous trouvions un moyen pour arriver jusqu'à  Agrigente.

L'effet du sort d'apaisement jeté par Cérès ne tarda pas à montrer des signes d'affaiblissement. 

— Nous pourrions tenter de leur faire croire que nous partons vers  la Tunisie ? Ne serait-il pas possible de projeter une illusion sur un  autre navire quittant Malte ? suggéra Sédah.

— Ma projection mentale sera insuffisante pour créer une telle illusion, répondit Cérès d'un air déçu.

— Si tu me guides, j'y arriverai peut-être ? Umbra l'a bien fait avec Maddy et moi pour rejoindre le songe de Georgios il y a quelques jours.

— Umbra ? l'interrogea Cérès avec curiosité.

— Est-ce l'amie que je t'ai envoyée ? poursuivit-elle avec amusement.

— Oui ! C'est elle ! répondit Sédah.

Et Cérès rit de bon cœur.

— Elle m'étonnera toujours ! ajouta-t-elle mystérieusement.

Sédah aurait aimé approfondir cette conversation, mais le temps  pressait. Elle recentra la discussion sur le subterfuge qu'elles s'apprêtaient à mettre en œuvre.

— Alors, comment procède-t-on ? demanda la jeune déesse.

— Il nous faut le cercle. On va tenter cette folie ma petite fille ! Je vais tous vous guider, déclara Cérès avec malice.

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Merci d'avoir lu ! 🌚

À samedi prochain ^^

B. 🖤

Sédah - La fille cachée d'Hadès - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant