Sédah - La fille cachée d'Hadès - T1

Chapitre 61 - La décision des hiérophantes - partie 3

Valentina observa longuement les jeunes invités et se tourna vers Cérès avec gravité. Elle prit une profonde inspiration et se décida à parler.

— Nous avons entendu les plaintes de ta révérée  aïeule Gaïa, déesse mère de tout ce qui est terrestre. Nous savons  quelles terribles menaces pèsent sur nos fragiles existences de chair  et  de sang. Nous savons que le destin des vivants se trouve sur un  fil. Nous nous sommes longtemps demandés ce que nous pouvions faire. Si  nos  rituels et prières étaient des contributions suffisantes. Nous  pensons  que dans les temps anciens, nous aidions à apaiser les déesses  et les  dieux. Mais nous observons que nos actes de grâce ne calment  plus les  dieux primordiaux. La terre gronde. Les créatures du dessous  entendent  la colère de la déesse et s'en délectent. Elles attendent le  moment où  Gaïa n'y tiendra plus et où ses entrailles se déchireront. 

Elle  s'interrompit de nouveau, émue par le poids des mots qu'elle  venait de  prononcer. Les traits de tout le monde étaient graves et  tendus.  Valentina se reprit et poursuivit :

— Si ce terrible  jour  advient, ce sera alors le temps de la grande moisson pour Hadès et  ses  auxiliaires démoniaques. Des hideuses Érinyes aux...

Valentina s'arrêta de nouveau, prenant le temps de déglutir. Après une profonde inspiration, elle reprit, déliant chaque mot :

— C'est donc en notre âme et conscience que nous acceptons de vous prêter notre concours. Nous attentions votre visite  et  connaissions vos motivations. Nous n'avions pas tranché de  décision.  C'est désormais chose faite.

Les traits de Cérès se  détendirent  immédiatement et son visage s'éclaira. Une vague de  soulagement traversa  la tablée. Tout le monde respirait. Ils prenaient tous la mesure de cette décision et des conséquences qu'elle allait avoir sur les gardiens  des mystères.

— J'entends vos réserves, chère Valentina et je salue votre courageuse décision. Les  temps sont graves. Il faut  certes continuer à vivre, mais sans  aveuglement. Votre sagesse vous  honore mes chères gardiennes et gardiens.

— Ce lieu vous est dévoué, déclara la doyenne abaissant ses yeux avec respect.

— Maintenant que votre décision est prise, j'aimerais que  nous procédions au plus vite au rituel visant à consacrer un pacte qu'ils ont scellé lorsqu'ils étaient au lycée de la Valette à Maltes, réagit la déesse en désignant les concernés.

Valentina abaissa ses paupières pieusement en guise d'assentiment. 

— Nous y procèderons tout à l'heure.

— Aliénor que voici, y sera consacrée en tant que gardienne du pacte, ajouta la vieille déesse en désignant la jeune femme à la mine renfrognée. 

Une nouvelle fois, Valentina acquiesça silencieusement. Elle se tourna vers Aliénor en lui demandant :

— Sais-tu à quoi tu t'engages ? 

— Oui, je le sais, réagit la concernée sans cérémonie.

— Sais-tu ce qu'est une gardienne ? 

— Je crois le savoir. Une gardienne protège le pacte et ses membres au péril de sa propre vie, mais son rôle est surtout de garantir l'intérêt souverain du pacte lui-même. Elle doit être capable de remettre en question des décisions ou des choix qui pourraient contrevenir à ses intérêts. 

— Et quels sont ses intérêts ? répliqua Valentina en interpellant l'ensemble des membres du pacte. 

— Je me suis d'abord engagée car Sédah est mon amie et que je crois en elle. Si je dois penser à un intérêt souverain, alors le pacte doit garantir la protection des terrestres. Voilà ce qui   représente la valeur ultime à mes yeux, rétorqua Maddy avec conviction.

Aka approuva avec un mouvement ample de la tête.

— Je n'aurais pas pu mieux le dire que toi Maddy ! Je suis totalement d'accord. 

Osmane prit alors la parole : 

— Je suis en accord avec toi, Maddy. Et je comprends toute l'importance de placer la vie des terrestres au-dessus de tout autre cause, réagit-il en se tournant vers Cérès, lui signifiant ainsi qu'il comprenait la stratégie qu'elle mettait en œuvre. Cependant, pour être tout à fait honnête avec vous, ma loyauté ira toujours à Sédah, poursuivit-il en les fixant un à un. Je suis   indéfectiblement attaché à elle et ce lien prime sur tout autre, insista-t-il pour être certain d'être entendu.

Maddy, Aka et Aliénor acquiescèrent silencieusement.

— Grand-mère, je comprends la raison pour laquelle tu tiens à ajouter une gardienne à notre pacte. Tu te défies de moi.

En prononçant ces mots, elle baissa les yeux avant de les relever, levant la main pour faire taire Cérès qui s'apprêtait à  réagir.

— Et tu as raison, ajouta-t-elle en la regardant droit dans les yeux.

— J'ai vu la manière dont Hénoch Thoth ou devrais-je dire mon oncle Hermès a cherché à m'utiliser alors qu'il ne connaissait pas mon identité. Je suis l'objet de convoitises dont les intérêts m'échappent. Georgios m'avait prévenue, sourit-elle tristement. Il avait raison. Tous ces enjeux politiques entre mon père et mes oncles et tantes me sont totalement étrangers. 

Voyant la réaction exaspérée de sa grand-mère, elle se rattrapa : 

— Enfin pas tout à fait... Je mentirais si je ne disais pas que j'ai étudié les grands textes. En théorie, je connais leurs attachements, leur histoire, leurs qualités, leurs défauts. Mais en   pratique, je dois reconnaître être démunie. Je ne suis pas sûre d'avoir la lucidité d'anticiper leurs machinations. Ils sont  rompus  à l'art de la manipulation et manient les songes et illusions à  la  perfection, alors que je suis novice. Alors comment ne pas penser que je  puisse, à un moment ou à un autre, manquer de jugement, être utilisée,  voire pire ? 

Elle cessa de parler et tout le monde respecta l'interlude silencieux. 

— Maddy, Aka, je vous remercie de placer les intérêts de la vie terrestre au-dessus des miens ! L'inverse aurait été inacceptable pour moi. Comme je vous l'ai dit lorsque nous étions à La Valette, j'accepte votre amitié, pas votre soumission. Il en va de même pour toi Osmane, je salue ton honnêteté et je ne mesure sans doute pas  l'ampleur de ton renoncement. Je ferai tout pour que tes obligations à mon égard respectent les desseins du pacte. Je consens  donc pleinement à  cette noble et souveraine cause Maddy, dit-elle avec le sourire.

— Bien, vous êtes prêts et les hiérophantes vous prêteront leur concours, finit par déclarer Valentina d'un air satisfait.

Aka demanda discrètement à Sédah :

— C'est quoi un hiérophante ? 

Valentina l'entendit et répondit : 

— Ce sont les prêtres et prêtresses qui, dans le culte des mystères d'Éleusis, instruisent les futurs initiés en leur montrant solennellement les objets sacrés. 

Aka la remercia en baissant  les yeux et en tordant le nez, honteux de révéler son ignorance. Cérès se tourna alors vers Sédah et ses amis et  leur  demanda de les laisser seules. Valentina demanda à Agostino de leur faire visiter les différents corps de bâtiment. Ils  se levèrent du lourd banc en hêtre et quittèrent la table, s'engouffrant à la suite de leur jeune guide.

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Merci d'avoir lu !

B.