Chapitre 35 - Une prophétie douteuse - partie 2

8 0 0
                                    


Sédah, soucieuse de ne pas attirer l'attention, se faufila entre les rayonnages de la bibliothèque pour récupérer Les Épinicies  de Pindare, conformément à la requête de sa grand-mère.  Malheureusement, il n'était pas disponible. Monsieur Roman, le  bibliothécaire, afficha un air contrarié. Il déclara d'un ton désolé que  l'ouvrage n'avait pas encore été restitué par l'emprunteur précédent.  Pour pallier ce désagrément, il remit discrètement à Sédah une note,  suggérant qu'elle revienne récupérer le livre dans les trois jours à  venir lui. Insistant avec tact, il souligna à plusieurs reprises  l'importance de ne pas perdre cette précieuse note.

Perplexe face à cette insistance, Sédah ne comprit pas immédiatement la raison derrière toutes ces précautions.

Alors  que Georgios se dirigeait déjà vers la sortie, monsieur Roman lui fit  un clin d'œil significatif en regardant le mot. Intriguée, Sédah demanda  à Georgios de l'attendre sous prétexte d'aller aux toilettes. Elle y  examina le mot attentivement, espérant y déceler quelque chose. Devant  l'absence de révélation, elle opta pour une méthode plus audacieuse, en  le mouillant légèrement avec de la salive. C'est ainsi qu'un caractère  manuscrit apparut à l'endroit humidifié. Intriguée par cette révélation,  elle mouilla délicatement l'intégralité du mot, découvrant avec  surprise que l'expéditeur n'était pas sa grand-mère.

"Enfant  de la nuit, tu cours un grand danger. Je serai dans ton ombre et dans  tes pas. N'oublie pas ton chante-cri et tes amis. Sur l'arbre à oiseau  tu peux compter, sur le dos du dragon noir t'envoler, gare au golem de  pierre qui est pieds et poings liés, ainsi qu'au tricheur ailé qui en  use et abuse. Nombreux sont les obligés, qui autour de toi s'amusent :  Enfants d'Éole ou d'Hermaphrodite, d'Hébé ou d'Arsitée. Garde-toi loin  des songes et des illusions, crains les créatures des ombres, car le  voile, par ta seule existence, tu as déchiré. Le golem que tu as fait  marquer et les créatures infernales que tu as réveillées. Les  presque-morts le reniflent, et près de lui s'agitent. Tiens-t'en loin,  en paroles comme en acte, jusqu'à ce qu'au moins, sa marque dans la  douleur échoie. Le dragon noir tu aideras et sur sa force tu  t'appuieras. Dès ce soir, il sera là et les traces d'ombres, tu  gommeras. La dévoreuse, tu accueilleras. Il n'y a qu'elle qui te  sauvera. Par ta fenêtre, elle partira."

À  la fin de sa lecture, Sédah réalisa que les mots disparaissaient  doucement, comme s'ils étaient absorbés dans l'épaisseur du papier. Elle  glissa précieusement le message dans la poche arrière de son jean.  Lorsqu'elle rejoignit Georgios, elle le trouva en pleine discussion avec  une fille qu'elle avait déjà remarquée pour son allure atypique. Elle  était plutôt petite, avait un visage rond, une peau cuivrée, et ses  cheveux semblaient toujours danser autour d'elle avec la souplesse des  joncs balayés par le vent. Ce jour-là, elle repéra un nouveau trait, qui  renforça sa première impression. Elle avait d'intrigants yeux gris,  presque transparents.

— Cette fille est fascinante tu ne trouves pas ? lui demanda Sédah dès qu'ils furent suffisamment à distance.

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ? la reprit-il avec un soupçon d'amusement.

Sédah rougit du sous-entendu.

— Qu'est-ce que tu vas t'imaginer ? répliqua-t-elle en le bousculant légèrement en riant de manière gênée.

— Je rigole, je partage ton avis. Elle en impose. Elle s'appelle Sefia, ajouta-t-il en observant Sédah d'un air curieux.

Alors  qu'ils se dirigeaient dehors, Sédah se dit qu'elle aurait bien aimé la  rencontrer. Comme de nombreuses autres personnes dans l'école, elle  éveillait sa curiosité. À l'extérieur, ils retrouvèrent Maddy, toujours  assise au même endroit, mais cette fois-ci, elle semblait plus sereine.  Adossée à l'arbre, ses cheveux semblaient fusionner avec les feuilles  d'olivier qui dansaient joyeusement au-dessus d'elle. Ils se joignirent à  elle, s'asseyant en tailleur sur le sol. Maddy se concentrait sur ses  devoirs, ses cahiers soigneusement disposés autour d'elle.

— Ça y est ? Tu as été auditionnée par la commission d'enquête Maddy ?

— Non, pas encore. Mais je n'ai rien à cacher. Avec ma petite tête d'oiseau...

Elle accompagna ses paroles d'un clin d'œil complice à Sédah.

— Vous n'avez pas le droit d'en parler, déclara Georgios, l'air légèrement gêné d'endosser le rôle de censeur.

— Tu nous surveilles ou quoi ? le taquina Maddy.

— Et au fait ? Tu ne nous as pas dit pour ta marque ? continua-t-elle.

—  Il n'y a pas grand-chose à dire. J'ai visiblement été marqué par une  créature, Beaucerf opte pour une Kère. Je pense l'avoir vue en rêve. Ça a  donc dû se passer pendant que je dormais. De toute façon, cette soirée  et cette nuit-là sont très confuses dans ma tête. Quand j'essaie de me  souvenir du déroulement de la soirée, c'est comme si ça ne s'emboîtait  pas... Ils attendent d'être sûrs qu'il s'agissait d'une Kère, et dès que  ce sera le cas, ils vont m'ôter la marque.

— Ça ne va pas te faire trop mal, j'espère ! demanda Maddy.

—  A priori, c'est douloureux. Mais c'est le seul moyen pour l'effacer.  Entre-temps, il faut que je reste dans l'enceinte de l'école. Les  professeurs ont renforcé les barrières de protection. Théoriquement, je  ne crains rien, et vous non plus d'ailleurs.

—  De toute façon, ils ne t'auraient pas autorisé à sortir de ta chambre  comme ça s'ils n'avaient pas été sûrs de leur coup... renchérit Maddy  comme pour se rassurer.

C'est  alors que le professeur Cybèle Beaucerf arriva, accompagnée d'Osmane  qui la suivait avec nonchalance, les mains dans les poches. Elle se dirigea vers Sédah avec un air de sévérité excessif et se posta devant elle, jubilant par avance du pouvoir qu'elle s'apprêtait à exercer sur elle.

++++++++

À samedi prochain !🌚

Brune. 🖤

Sédah - La fille cachée d'Hadès - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant