Chapitre 65 - Une attitude indéchiffrable - partie 3

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En prenant conscience du leurre, celui-ci se fragilisa. Sédah s'aperçut bientôt qu'elle retrouvait forme. Elle s'imagina des paysages en couleurs qui se matérialisèrent autour d'elle. Puis elle repensa au dragon noir. Elle l'appela de toutes ses forces. Il émit un râle lointain. Elle le chercha, arpentant une falaise. Depuis le sommet, elle l'aperçut qui gisait en aval, respirant péniblement. Elle descendit et s'en approcha précautionneusement, elle le caressa, puis elle souffla doucement sur l'emplacement de son cœur.

— Retrouve ta vigueur Osmane, nous allons en avoir besoin pour quitter ce songe, chuchota-t-elle.

— Je suis revenue et nous allons nous échapper, ajouta-t-elle.

Mais Osmane ne bougeait pas. Il était très affaibli.

— Hylas, marmonna-t-il.

— Cherches-le !

Puis il ferma ses paupières, se concentrant pour remobiliser ses forces. Sédah se releva. Hylas ? Se pouvait-il qu'il soit ici ? Était-ce cette présence qu'elle ressentait sans parvenir à la cerner ? Elle l'appela plusieurs fois. Il ne répondit pas.

— Es-tu certain qu'il est avec nous ? demanda-t-elle au dragon qui grogna.

— Il est là, cherche-le vite ! gronda-t-il.

Elle prit le temps de le chercher dans les environs, mais elle ne connaissait pas son apparence dans le royaume des songes. Elle ne savait pas par où commencer. S'ils quittaient le songe sans lui, il serait éternellement piégé dans l'entre deux mondes. Elle eut l'idée de faire appel à la ruse. Elle se souvint de la boîte dans laquelle Irina avait caché l'identité secrète d'Hylas et dont elle lui avait révélé la cachette avant de rendre son dernier soupir. Elle en visualisa chaque détail et bientôt, celle-ci se matérialisa. Hylas ne tarda pas à se manifester :

— Je ne rentrerai pas.

Le subterfuge avait fonctionné, même si elle n'entendait que sa voix.

— Tu ne peux pas rester. Ce songe est un piège, lança-t-elle, espérant le convaincre.

Une forme spectrale apparut alors. Sédah fut frappée de découvrir cette apparence faite d'ombres. Elle s'approcha de lui, lui tourna autour. Elle observa le modelé charbonneux de son corps qui se découpait en noir sur le paysage rocheux qui les entourait.

— Je vais suivre ma propre voie, poursuivit-il.

— Je n'appartiens plus au monde du dessus, et pas non plus à celui du dessous. J'appartiens à l'entre-deux mondes. Je me sens à ma place ici.

— Je refuse de t'abandonner, lui dit-elle.

— Je ne viendrai pas, poursuivit-il d'un ton calme.

— Je refuse ! Je refuse de te laisser !

— Tu n'as pas compris. Je ne suis plus...

Sédah le coupa et s'avança alors vers lui. Elle lui prit les mains et il perdit instantanément sa forme de spectre, ce qui ne parut pas le réjouir.

— Tu ne devines pas ? lui demanda-t-il, un éclat brillant au cœur de ses prunelles étrangement noires.

— Je devine que nous nous sommes égarés. Tout est de ma faute, dit-elle.

Et Hylas se mit à rire sombrement.

— Tu m'amuses Sédah. Toujours à penser que tu es responsable de tout ce qui nous arrive, à nous autres, pauvres mortels.

— Ce n'est pas ce que je voulais dire, s'excusa-t-elle alors.

— Pourquoi veux-tu me ramener parmi les vivants ? Je ne veux plus de cette existence médiocre. Je suis à ma place ici.

— Tu n'as aucun avenir ici. Tu seras perdu à jamais ! lui dit-elle, cherchant de nouveau à le convaincre.

— Et pourquoi je serai perdu ? Parce que tu ne seras plus là pour me protéger ?

Et il se gaussa de nouveau. Derrière Hylas, Osmane commençait à se redresser péniblement et à retrouver un peu de force. Il ne manquait rien de cette étrange scène. Il se sentait si amoindri, sa force vitale s'était comme évaporée. Se tenir sur ses pattes relevait du miracle.

— Que t'arrive-t-il ? demanda-t-elle inquiète.

— Laisse-nous te ramener et t'aider, ajouta-t-elle.

— M'aider ? demanda-t-il hilare.

— Mais Sédah, tu m'as déjà aidé ! Ne comprends-tu pas ? Ta seule présence à mes côtés est une bénédiction.

Et il se remit à rire, des veinules noires apparaissant dans son cou. Sèdah regarda Osmane, l'air effaré.

— Qu'y a-t-il ? Je te fais peur ? Une déesse comme toi ne devrait pas tressaillir... s'amusa-t-il.

— Tu ne me fais pas peur Hylas. Ta santé m'inquiète voilà tout. Ton âme a peut-être été corrompue !

Il la regarda avec exaspération :

— Quel aveuglement ! lui dit-il avec un sourire rempli d'une indéchiffrable compassion.

— Je pourrais peut-être revenir un peu plus longtemps et profiter encore de ta générosité, déclara-t-il, un air de convoitise se peignant sur ses traits.

— Reviens avec nous, lui dit-elle alors tout en lui saisissant une main.

Il la regarda avec morgue et répondit :

— C'est demandé si gentiment. Je ne vois pas comment je pourrais refuser.

Et ce faisant, il esquissa une petite révérence. Sèdah se sentit rassurée qu'il recouvre finalement la raison. Ils allaient enfin pouvoir quitter ce songe. Ils rejoignirent alors Osmane qui tenait malheureusement à peine sur ses pattes.

— Je ne sais pas ce qui m'arrive. J'ai perdu toute ma force.

Hylas s'avança vers le dragon, posa sa main sur son encolure et Osmane sentit sa force revenir en lui. Sédahp le regarda curieusement et lui demanda avec un sourire émerveillé :

— Comment as-tu fait ça ?

— Je te l'ai dit Sédah. Je me sens chez moi ici, répondit-il énigmatiquement.

— Allez, ne traînons pas, rentrons, ajouta-t-il arborant un sourire sibyllin. Osmane s'était redressé, prêt à décoller. Ils montèrent tous les deux sur son dos et ils s'envolèrent vers la porte d'os.

Ils s'éveillèrent enfin. Ils étaient dans le coma depuis plusieurs semaines. Ils étaient tous trois intubés. Valentina appela aussitôt Cérès qui surgit accompagnée d'Aliénor, Maddy et Aka. Leurs mines réjouies remplirent de bonheur Osmane, Sédah et Hylas. Ils étaient épuisés. Osmane et Sédah se regardèrent, rassurés de se retrouver parmi les vivants. Puis elle tourna sa tête vers Hylas qu'elle chercha immédiatement à sonder. Il la regarda fixement, un sourire innocent sur le visage. Sédah voulait croire qu'il avait eu un moment d'égarement. Et en cet instant, elle se promit de tout faire pour qu'Hylas se sente heureux dans le monde du dessus. Leurs amis les veillèrent, jusqu'à ce qu'ils émergent doucement de cette longue et inquiétante léthargie.

Aliénor fut particulièrement présente, se sentant probablement coupable d'être restée pétrifiée par la violence apocalyptique de la scène quelques semaines plus tôt. Pourtant, Sédah apprit ensuite avec quelle bravoure elle avait contribué à ramener les blessés. Elle comprit le traumatisme qu'avait représenté pour elle cette expérience. Elle remarqua également toute la considération que sa grand-mère avait pour elle. Elle avait gagné son respect et celui de Maddy et Aka. À travers leurs échanges de regards et leurs attitudes, elle devina qu'une véritable complicité s'était développée entre eux pendant qu'elle était inconsciente. Aliénor était enfin en train de trouver sa place et Sédah en fut étonnamment heureuse et rassurée. Brune était également très présente. Elle partageait son temps entre la chasse et la sieste auprès d'Osmane ou de Sédah. Maddy avait pris grand soin d'elle et la belette s'était mise à beaucoup l'apprécier également.

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Merci d'avoir lu ^^

B. 🖤

Sédah - La fille cachée d'Hadès - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant