Chapitre 53 - Les pieds dans l'obscurité et l'eau saumâtre - partie 2

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Tout juste séparée de ses amis, et poussée par Beaucerf, Sédah montait les escaliers. Les sons produits par leurs pas raisonnaient lourdement. Sédah savait que dès qu'elles auraient franchi le seuil du bureau de son professeur, celle-ci la neutraliserait et qu'elle serait perdue. Elle n'était pas dupe. Elle savait que Beaucerf attendait ce moment précis. Mue par le caractère désespéré de la situation, elle réfléchissait, échafaudant un plan pour sortir de l'impasse dans laquelle cette situation était en train de l'enfermer. Elle évaluait les différentes options qui s'offraient à elle. Elle pensa à l'éventualité de créer une illusion, mais elle avait si peu d'expérience et éprouvait un tel stress, qu'elle y renonça. Une autre option s'imposa alors naturellement à son esprit. Mais elle n'aurait qu'une seule chance et elle savait que ça ne serait pas sans risque pour Beaucerf. Elle observa les mains et poignets de sa professeur, remplie d'hésitation.

— Qu'y a-t-il Mordoh ? Tu as enfin quelque chose à me dire ? lui demanda-t-elle avec une morgue excessive qui ne laissait rien présager de bon.

Elles venaient d'atteindre le pallier où se trouvait le bureau du professeur. Et au moment où elles se retrouvèrent sur le seuil de son bureau, Sédah se décida à improviser. Elle se tourna vers elle et tomba à genoux à ses pieds, suppliante.

— Madame Beaucerf, vous aviez raison depuis le début ! Je vous en prie ! Épargnez-moi !

— Relevez-vous Mordoh ! Relevez-vous immédiatement ! hurla Beaucerf déconcertée.

Mais au lieu de se redresser, Sédah s'affala davantage encore, provoquant l'ire de Beaucerf qui l'attrapa furieusement par le poignet pour la relever de force. C'est ce moment que choisit Sédah pour entrer au contact de la main de Cybèle Beaucerf afin d'y déverser son don avec toute l'intention dont elle était encore capable. L'effet fut immédiat. Elle tomba sur ses genoux, les yeux écarquillés de stupéfaction.

— Vous... Vous êtes... prononça-t-elle, les yeux exorbités.

Elle n'eut pas le temps d'achever sa phrase qu'elle gisait évanouie sur le plancher. La jeune déesse ne put s'empêcher d'en éprouver une pointe de satisfaction. Elle ne perdit pas une minute. Elle dévala les escaliers et se précipita vers le bureau du bibliothécaire avec l'intention de sauver ses amis.

— Sédah... bafouilla Lunare, interloquée par cette réapparition aussi soudaine qu'inattendue.

— On vous l'avait bien dit que nous ne partirions pas sans elle, s'exclama Aka avec une pointe d'orgueil.

La jeune déesse nota immédiatement  le passage secret qui était ouvert dans le mur derrière eux et comprit la situation. Déjà remise de sa surprise, leur professeur les pressa de s'enfuir.

— Partez ! Vous avez déjà perdu trop de temps, trancha-t-elle tout en les poussant un à un dans la bouche sombre.

Tout en refermant la porte secrète derrière eux, elle mit quelque chose dans sa bouche, grimaçant en l'avalant. Avant que la lumière ne disparaisse complètement, ils entendirent une grande agitation derrière elle et eurent le temps de saisir l'expression d'affolement qui se peignait sur son visage. Ils sont là, pensèrent-ils, tout aussi épouvantés qu'elle. Puis ce fut le noir et le silence.

Ils osaient à peine respirer, de crainte qu'on ne les entende. Ils se trouvaient dans un étroit escalier creusé directement dans la roche. Lorsque Sédah s'y appuya, elle sentit que les parois suintaient. Elle prit alors conscience de l'humidité qui saturait l'air, le rendant presque irrespirable. Les marches étaient très irrégulières, ce qui ajoutait encore de la difficulté. Osmane activa la pierre de soleil que leur avait confiée le professeur Lunare. Sa lumière était si faible, qu'ils progressaient péniblement, manquant à chaque instant de glisser, de se cogner la tête, et de se tordre une cheville. Pour couronner le tout, sur le trajet, ils ne rencontrèrent pas une seule ouverture.

Sédah - La fille cachée d'Hadès - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant