Biche aux abois

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Vendredi 17 avril 2015

Déjà quatre jours que ses longues jambes se croisent et se décroisent sous le bureau en face de moi, quatre jours que je l'observe à la dérobée, lorsqu'elle se déplace dans la pièce, quatre jours que je guette chaque moment où son corps se penche, à l'affut de ses courbes délicates, quatre jours que je retiens mes désirs de conquête, que dis-je mes désirs : mes pulsions.

Annabelle, quand à elle, prend son travail très au sérieux. Elle veut me prouver qu'elle mérite ce poste et je dois dire que jusque là, je suis assez impressionné. Même si ses connaissances dans ce domaine sont quasi nulles, elle possède des facultés d'adaptation incroyables, et des capacités d'apprentissages remarquables.

Elle est brillante, c'est une évidence, et lui faire découvrir les domaines d'application de mon entreprise est devenu un vrai challenge pour moi. Elle est comme une éponge, elle absorbe chaque donnée, chaque technique, comme si elle était assoiffée.

Quoi qui l'ait gardée loin du monde pendant cinq ans, elle semble désormais vouloir rattraper le temps perdu, ne ménageant ni son temps ni sa peine.

Elle arrive aux aurores et repart tard le soir. J'ai bien tenté de la distraire de son objectif en lui proposant de déjeuner avec moi, mais elle a refusé à chaque fois. En fait elle a refusé quatre fois, chaque midi je tente ma chance et chaque midi elle décline mon invitation. Je vais finir par trouver ça vexant, à la fin.

Même si elle semble ravie d'être ici, au niveau relationnel elle est restée au point zéro... nous en sommes au point zéro.

Annabelle évite au maximum les contacts avec ses collègues, qu'ils soient visuels, verbaux ou tactiles. Elle ne parle qu'en cas de besoin professionnel, rien de plus. Elle est profondément solitaire, introvertie et les relations humaines semblent la terroriser.

Je suis sans doute la personne avec laquelle elle interagit le plus et, croyez moi, c'est très loin de me suffire.

Je ne suis pas un homme très patient et elle met cette patience à dure épreuve. Je n'ai pas progressé d'un pouce. La seule chose que j'ai obtenue est qu'elle m'appelle par mon prénom. Pour le reste, toutes mes tentatives, subtiles, d'orienter nos relations vers quelque chose de moins professionnel se sont révélées être des échecs cuisants.

Je savais que le challenge serait ardu à relever mais pas à ce point. En fait je n'ai pas l'habitude qu'on me résiste, ça n'est jamais arrivé et le fait qu'elle soit si renfermée complique encore les choses.

Alors j'ai décidé de passer à la vitesse supérieure. La semaine prochaine, je dois me rendre à Paris pour deux ou trois jours, afin d'animer un séminaire pour les élèves de troisième cycle de l'Université Pierre et Marie Curie. Je vais devoir faire deux interventions qui seront les points d'orgue des deux jours de formation. C'est le moment idéal pour tenter un rapprochement avec Annabelle.

— Annabelle, venez me voir je vous prie.

Elle lève la tête d'un air surpris et méfiant, soupèse mon regard quelques secondes, puis se saisit de sa tablette et se dirige vers moi.

Elle avance sans hâte, les yeux baissés sur ses chaussures, mal à l'aise à l'idée de m'approcher de trop près et malgré toute cette réserve, elle est belle, gracieuse, sexy, terriblement tentante. Elle n'a pas la moindre idée de ce qu'elle dégage, elle ne sait pas que, dans les couloirs, on parle d'elle. Les hommes feraient n'importe quoi pour passer dans mon bureau, juste histoire de la reluquer un peu. Admirer ses traits fins, sa poitrine haut perchée et si parfaitement ronde, tout comme son cul d'ailleurs, qui semble déjouer les lois de la gravité et enfin ses jambes sans fin qui ondulent telle des lianes à chacun de ses pas.

Diary of Rebirth Tome 1 : ApprivoiserOù les histoires vivent. Découvrez maintenant