Lundi 4 mai 2015
— J'ai crié, j'ai hurlé, mais ce n'était pas de plaisir. Ce n'était que terreur et douleur. Tout ce que je connais du sexe se résume à cela : l'humiliation, la peur, la souffrance...
Cette phrase courte et ô combien douloureuse me crucifie.
Je ne sais comment gérer les émotions qui affluent en moi, tandis que je me relève, l'attire à moi et l'enveloppe de mes bras.
La haine, la douleur, la compassion, la nécessité de la protéger, l'envie de tout effacer, le désir de lui montrer autre chose, le besoin viscéral de les tuer, le désespoir devant sa souffrance, toutes ces choses se bousculent en moi, alors que sa joue vient tout naturellement trouver sa place sur mon torse.
Je la serre délicatement contre moi. Je ne veux pas lui faire peur. Je ne doute pas que, dans sa tête, tournent en boucle des images dont l'horreur défie l'entendement.
Je songe à la phrase d'Anne Maury : Annabelle a été enlevée, séquestrée, violée, torturée et laissée pour morte.
Lorsqu'elle a prononcé cette phrase, j'en ai pris connaissance dans sa globalité. Aujourd'hui, tandis que ses larmes glissent le long de ma chemise, je prends conscience des détails : enlevée, séquestrée, violée, torturée, laissée pour morte. Je réalise à quel point son parcours a été épouvantable, à quel point elle a dû souffrir.
Je ne me résous même pas à l'imaginer. Et surtout, je me pose cette question : comment a-t-elle survécu à une telle chose, alors qu'elle n'était qu'une enfant, innocente ?
Sa détermination à rester en vie, coûte que coûte, pendant toutes ces années, force mon admiration. Cette jeune femme, à l'allure tellement fragile, au psychisme brisé, est une survivante.
Je caresse ses cheveux, une main enroulée autour de sa taille. Sans même m'en rendre compte, j'embrasse son front, ses tempes.
Je voudrais déposer sur ses lèvres un baiser léger, un baiser tendre et apaisant, mais je doute que le moment soit le mieux choisi. Alors, je me concentre sur ses yeux, buvant ses larmes, cherchant à alléger sa peine
— Les choses ne seront pas toujours ainsi, Annabelle. Je donnerais volontiers tout ce que j'ai pour que tu n'aies jamais vécu cela. Mais nous ne pouvons pas retourner en arrière. En revanche, il y a tout à faire dans l'avenir. Dans cet avenir, il y aura des tas de choses magnifiques, je peux te l'assurer. J'y veillerai.
Bon sang, oui ! Je vais veiller à ce qu'ils paient, je vais veiller à ce qu'ils souffrent et je vais veiller à ce que toi, tu sois heureuse.
Moi, Greg Delcourt, je veux faire le bonheur d'une femme. Je n'ai absolument pas le mode d'emploi. Je n'ai jamais étudié le protocole. Mais je suis un autodidacte. Je vais apprendre et je vais devenir le meilleur, qui plus est.
—Tu te bases sur ton passé pour juger que l'expérience charnelle entre deux êtres n'apporte que souffrance, peur et humiliation. Mais, un jour, tu découvriras une tout autre vérité. Tu découvriras que cela peut devenir la plus belle chose qui soit. Il parait même que lorsque l'on est amoureux, c'est encore meilleur.
Elle lève son visage vers moi, surprise.
— Pourquoi dis-tu : il parait ? Tu n'as jamais été amoureux ?
— Jamais...
Elle repose sa joue contre mon cœur, glisse ses bras autour de ma taille et reprend :
— Je ne pense pas avoir ce genre d'avenir. Je ne peux même pas imaginer supporter qu'un homme me touche. Alors pour le reste...
— Pourtant moi, je te touche. Mes mains sont posées sur toi. Tu es blottie dans mes bras.
— Mais toi c'est différent.
— En quoi est-ce différent ?
— Avec toi j'ai confiance
Ce constat me réchauffe le cœur. Il me rend heureux. Elle me rend heureux. Je ne voudrais, pour rien au monde, être ailleurs qu'ici, à cet instant.
— C'est tout ce qui fait la magie de la chose, Annabelle. S'abandonner à quelqu'un, c'est lui faire une totale confiance.
Je la berce doucement, la serrant un peu plus contre moi. J'aime sa chaleur, son corps contre le mien, ses mains dans mon dos qui distillent, sans qu'elle le sache, de légers frissons remontant le long de mon épine dorsale.
— Un jour, pas si lointain que ça, tu découvriras le plaisir qu'implique une relation entre deux êtres qui se désirent. Tu le ressentiras par chaque pore de ta peau. Tu le voudras de tout ton être. Et j'espère de toute mon âme et de tout mon cœur qui, de toute évidence n'a pas fui ma poitrine, que tu vivras cela avec moi.
Ça passe ou ça casse. Soit elle me gifle et sort de ma vie en hurlant, soit elle reste et je ne la laisserai plus jamais partir.
Elle lève de nouveau son visage vers moi, desserre un peu notre étreinte et m'observe un long, très long moment.
Je donnerai cher pour savoir ce qui se passe dans cette jolie petite tête, le conflit intérieur qui s'y déroule et les questions qui s'y bousculent.
— Ils sont dans ma tête, à chaque instant et je n'arrive pas à imaginer qu'ils puissent en sortir un jour. Toutefois, si une telle chose se produisait, si je me laissais aller à vivre un tel moment, je...
Son regard vogue au loin, vers un avenir imaginaire qu'elle n'ose espérer, vers une délivrance dont elle doute.
— Tu ?
Elle ne me regarde pas, en prononçant ces petits mots qui vont faire exploser mon cœur en milliards d'étoiles :
— Je ne voudrais personne d'autre que toi.
Il y a des moments dans la vie que l'on ne voudrait surtout jamais oublier. Celui-ci en est un et je le grave dans mon esprit. Je crois même que je vais le chérir.
Ce petit bout de bonne femme de 22 ans a radicalement changé l'idée que je me faisais de la vie, des femmes et surtout de moi-même. Je songe à ce qu'ont été ces dernières années, à cette course folle et vaine que j'ai menée. Je quantifie le temps que j'ai perdu à vouloir enterrer au plus profond de moi des choses qui, pourtant, sont l'essence même de l'être humain.
Annabelle me rend mon humanité, à chaque minute qui passe.
— Alors je serai celui-là.
Je ne valide pas cette affirmation par un baiser. Je veux qu'elle vienne à moi à son rythme. Je plonge mes lèvres dans ses cheveux et embrasse le dessus de son crâne, le nez dans son parfum de miel et de fleurs des champs.
Tout est parfaitement à sa place, dans ce moment magique, hors du temps, parfait.
Qui aurait cru, que moi, je puisse être capable de goûter à des plaisirs romantiques, à des câlins, sans aucune arrière-pensée ?
Dire que je n'ai pas envie d'elle serait de la pure folie, mais je veux prendre mon temps, pour elle.
Parce que, finalement, tout ce qui compte, c'est elle.
Je m'appelle Greg Delcourt. Il y a trois semaines, le bonheur a déboulé dans ma vie sans que je sois fichu de le reconnaître. Mais il n'est jamais trop tard pour reconnaître ses erreurs.
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Diary of Rebirth Tome 1 : Apprivoiser
RomansaAnnabelle Maury a vécu l'innommable. Réfugiée au sommet de la tour d'ivoire dans laquelle elle s'est enfermée, elle n'attend plus rien de la vie. D'autant que les loups rodent toujours... Greg Delcourt est un homme désabusé. Il a perdu confiance e...